L’Agence spatiale européenne (ESA) s’apprête à lancer un projet ambitieux : l’ensemble d’horloges atomiques ACES. Ce dispositif, qui doit s’arrimer à la Station spatiale internationale (ISS), a pour mission de mesurer l’effet de la gravité sur l’écoulement du temps. Cette initiative, dirigée par Simon Weinberg, chef du projet ACES, marque une étape cruciale dans la compréhension du temps et de ses variations en fonction de la gravité.
Le temps, omniprésent dans les équations de physique, est fondamental pour le fonctionnement des ordinateurs et des systèmes de géolocalisation par satellite. Cependant, notre perception du temps a été radicalement transformée par la théorie de la relativité générale d’Einstein en 1915. Cette théorie a révélé que le temps n’est pas universel et absolu, mais varie en fonction de la proximité d’objets massifs.
La Mission ACES : Mesurer le Décalage Gravitationnel
Objectif de la Mission
L’objectif principal de la mission ACES est d’améliorer la mesure du décalage gravitationnel de deux décimales, atteignant ainsi une précision d’un millionième. Pour ce faire, ACES utilise deux horloges atomiques de haute précision. Le lancement est prévu pour lundi à 10h15 (heure suisse) depuis Cap Canaveral en Floride, à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceX. Une fois en orbite, ACES sera positionné à l’extérieur de l’ISS sur le module Columbus, où il restera pendant 30 mois pour collecter des données.
Les Horloges Atomiques de l’ACES
La première horloge, PHARAO, conçue par le Centre national d’études spatiales français, est un tube à ultravide dans lequel des atomes seront refroidis par laser à une température proche du zéro absolu (-273°C). En situation d’impesanteur, les vibrations des atomes à une fréquence particulière seront comptées avec une précision accrue par rapport à celle possible sur Terre.
Depuis 1967, la seconde est définie par le «tic-tac» régulier d’un atome de Césium 133, correspondant à 9.192.631.770 périodes d’une onde électromagnétique. PHARAO fonctionnera comme un «diapason» reproduisant cette définition de la seconde. Une seconde horloge, un maser à hydrogène développé en Suisse, jouera le rôle de «métronome», aidant à conserver la stabilité de PHARAO.
Ces horloges sont si précises qu’elles ne dériveront que d’une seconde tous les 300 millions d’années, une prouesse technologique résultant de plus de 30 ans de travail. Bien que des horloges optiques, 100 fois plus précises, existent déjà sur Terre, aucune n’a encore été mise en orbite, rendant ACES unique en son genre.
Transmission et Analyse des Données
Le signal des horloges sera transmis au sol par un lien micro-ondes. Sur Terre, neuf terminaux situés en Europe, en Grande-Bretagne, au Japon et aux États-Unis compareront ce signal au temps mesuré par leurs propres horloges. Les différences seront analysées pour déterminer si les résultats sont en accord avec les prédictions de la théorie de la relativité générale.
Implications pour la Physique
Si les résultats ne concordent pas avec les prédictions d’Einstein, une nouvelle fenêtre s’ouvrira dans le monde de la physique. Les équations d’Einstein devront être ajustées pour correspondre aux observations, ce qui pourrait rapprocher les physiciens de leur quête ultime : réconcilier la relativité générale et la physique quantique, deux théories actuellement incompatibles.
Conclusion
La mission ACES représente une avancée significative dans la mesure du temps et la compréhension de ses variations sous l’influence de la gravité. Avec une précision sans précédent, cette initiative pourrait ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine de la physique et contribuer à l’unification des théories fondamentales.