Lancée tambour battant au lendemain de l’invasion russe, la procédure d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne est désormais à l’arrêt, sans issue évidente face à un Viktor Orban inflexible. Ce processus d’adhésion, long et complexe, exige l’unanimité des 27 Etats membres à chaque nouvelle étape. Mais le Premier ministre hongrois semble décidé à stopper net sa progression, au milieu des tractations opaques entre Washington et Moscou sur le sort de l’Ukraine.
L’adhésion de l'Ukraine à l’UE patine: «On est vraiment coincés»
L'opposition de Viktor Orban
Viktor Orban n’a jamais caché son opposition à cette candidature, estimant, pour une ribambelle de raisons, que l’Ukraine — pays frontalier au sien — n’était pas prête à rejoindre l’UE. Durant plusieurs années, cette opposition est toutefois restée feutée. Dans un numéro diplomatique désormais célèbre remontant à décembre 2023, il avait même accepté de s’excuser de la table du sommet des dirigeants des Vingt-Sept, le temps que ses homologues décident d’ouvrir les pourparlers avec Kiev. Ces négociations ont officiellement débuté le 25 juin 2024.
Mais à un an des élections législatives hongroises, le dossier ukrainien, déjà sensible, est devenu explosif. Viktor Orban a durci le ton, encouragé par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Le dirigeant hongrois, qui cultive également sa proximité avec Vladimir Poutine, affirme désormais qu’une adhésion de l’Ukraine à l’UE «ruinerait» le bloc. «L’Ukraine ne peut pas gagner cette guerre. Et l’adhésion à l’Union européenne ne peut pas devenir un instrument de guerre», a-t-il encore martelé il y a quelques jours.
Consultation populaire et veto hongrois
La semaine prochaine, son gouvernement prévoit d’envoyer un bulletin de vote à la population pour l’inviter à se prononcer pour ou contre — une consultation sans valeur légale, mais régulièrement utilisée par Orban depuis 2015 pour légitimer ses positions eurosceptiques.
Surtout, le Premier ministre a décidé de geler de facto le processus d’adhésion en usant de son veto. Sans feu vert de Viktor Orban, aucun progrès possible. «On est au point mort», regrette un diplomate européen. «On est vraiment coincés», renchérit un autre, qualifiant la posture hongroise de «chantage politique», dictée par «les apparatchiks de Moscou».
Réactions et perspectives
L’Ukraine, qui s’est déjà quasiment vu fermer la porte de l’Otan par Donald Trump, assure s’affairer de «façon très intense en coulisses» pour tenter de convaincre Budapest de lever son opposition. «Nous ne dévoilons pas la plupart des choses au grand jour, car certains aspects nécessitent ce que l’on appelle une diplomatie discrète», a souligné mercredi le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Guéorguiï Tykhy.
Chargée du dossier pour la Commission européenne, la commissaire Marta Kos fait figure d’exception parmi les responsables européens: elle reste résolument optimiste. Une paralysie? «Le processus d’adhésion de l’Ukraine se déroule à grande vitesse», balaie-t-elle lors d’un entretien. La commissaire souligne les nombreux efforts de plusieurs pays, dont la Pologne, pour continuer à progresser sur les chapitres de négociations. Selon elle, l’adhésion pleine et entière de l’Ukraine à l’Union européenne d’ici 2030 reste une perspective «réaliste».
Lukas Macek, spécialiste des politiques d’élargissement de l’UE à l’institut Jacques Delors, tempère, estimant qu’un délai de «15 à 20 ans» serait plus habituel pour une telle intégration. Et d’évoquer le cas des Balkans - dont plusieurs pays patientent depuis des années sans réelle perspective d’adhésion. «Mais une fois qu’on a dit ça, il y a un contexte inédit, avec un Etat qui est candidat alors qu’il est en guerre ouverte», rappelle-t-il. «Tout ça rend la situation beaucoup plus complexe».
Et hautement imprévisible.
Diplomatie discrète
La diplomatie discrète est un élément clé dans les négociations en cours. Les efforts de l’Ukraine pour convaincre la Hongrie de lever son veto se font en coulisses, loin des projecteurs médiatiques. Cette approche permet de maintenir un certain niveau de confidentialité et de flexibilité dans les discussions.
Complexe
La situation est rendue encore plus complexe par le contexte de guerre en Ukraine. L’adhésion à l’UE d’un pays en conflit ouvert est sans précédent, ce qui ajoute une couche supplémentaire de difficulté aux négociations.
En conclusion, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE reste un processus complexe et incertain, marqué par des oppositions politiques et des défis diplomatiques. Les prochaines étapes dépendront largement de la capacité des différentes parties à trouver des compromis et à surmonter les obstacles actuels.