L’Éducation nationale a déclaré dimanche envisager des «mesures» contre un établissement catholique privé sous contrat de Pau (Pyrénées-Atlantiques), en cas de non-correction des manquements signalés dans un rapport d’inspection qui avait entraîné une sanction, depuis suspendue, de son directeur et dont Mediapart publie de larges extraits.
Catéchisme obligatoire, messes sur le temps des cours, intervenants réactionnaires en matière notamment d’éducation sexuelle, entraves à la liberté de conscience… autant de dérives dénoncées par des professeurs et élèves de l’Immaculée Conception dans Libération et la République des Pyrénées, en février et mars 2024.
Un lycée catholique sous le feu des critiques
Des dérives multiples et graves
Une inspection générale avait été déclenchée et un rapport rédigé en juin 2024, qui n’a pas été rendu public malgré les demandes répétées des syndicats enseignants. Interrogé par l’AFP, le ministère a expliqué ne pas vouloir «interférer avec l’enquête judiciaire». La rectrice de l’Académie de Bordeaux a effectué un signalement au parquet au titre de l’article 40 du code de procédure pénale et ce dernier a confirmé à l’AFP qu’une enquête était en cours au commissariat de Pau dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour «harcèlement moral» et «détournements de fonds publics».
Une enquête préliminaire a également été ouverte pour contestation de crime contre l’humanité, après une plainte de SOS Racisme pour «négationnisme» visant un éditorial du directeur publié dans la gazette du lycée, selon la même source. Le chef de l’établissement a été suspendu mi-septembre par le rectorat de ses fonctions de direction pendant trois ans, pour des «atteintes à la laïcité», avant d’obtenir, fin novembre, de la justice administrative de retrouver ses fonctions, le temps que celle-ci se prononce sur le fond de l’affaire.
Des témoignages accablants
Selon les extraits du rapport dévoilés par Mediapart, l’établissement de 2600 élèves, allant de l’école maternelle au lycée s’est affranchi des règles et des programmes scolaires, comme le confirme un membre de l’équipe enseignante à l’AFP, sous couvert d’anonymat. «On avait des messes pendant les heures de cours. Désormais on a été informé que des confessions se passeraient en dehors des cours», témoigne-t-il. «Pour le reste, rien n’a changé». Et de pointer des «cours orientés, comme sur le génocide vendéen», des «manuels scolaires d’avant 2007», les discours «homophobes» ou «anti-avortement». «On a tellement peur aussi qu’on s’auto-censure. Ceux qui dénoncent sont traités de «raclures» ou de «collabos»», déplore l’enseignant.
Réactions du directeur
«Tout est mensonge», a déclaré dimanche soir le directeur de l’établissement Christian Espeso au journal Sud Ouest, ajoutant avoir «produit des dizaines de documents pour dénoncer les biais» du rapport. «L’intérêt de mes élèves passera toujours avant les idéologues dans l’air du temps. Mes professeurs respectent les programmes comme l’attestent nos résultats et toutes les inspections. Il nous arrive simplement d’être plus exigeants, mais cela n’est pas encore interdit», a-t-il encore rétorqué. Une inspection menée en 2021 avait déjà pointé des dérives. Des professeurs avaient remonté 19 signalements pour atteintes à la laïcité, selon Médiapart.
Plainte pour «négationnisme»
L’affaire a pris une tournure encore plus grave avec la plainte déposée par SOS Racisme pour «négationnisme». Cette plainte vise un éditorial du directeur publié dans la gazette du lycée, qui aurait contenu des propos contestant des crimes contre l’humanité. Cette enquête préliminaire ajoute une couche supplémentaire de complexité à une situation déjà tendue.
Discours «homophobes» ou «anti-avortement»
Les témoignages des enseignants et des élèves révèlent également des discours homophobes et anti-avortement tenus au sein de l’établissement. Ces discours contribuent à créer un climat de tension et de peur, où l’auto-censure devient la norme pour éviter les représailles. Les élèves et les enseignants qui osent dénoncer ces dérives sont souvent stigmatisés et traités de manière dégradante.
L’affaire du lycée de l’Immaculée Conception met en lumière des problèmes profonds au sein de l’établissement, soulignant la nécessité d’une intervention rapide et efficace de la part des autorités pour garantir le respect des règles et des programmes scolaires, ainsi que la protection des libertés fondamentales des élèves et des enseignants.