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Yuki Niimi, veuve du terroriste de la secte Aum, raconte son histoire


Le mari de Yuki Niimi, Tomomitsu Niimi, était un membre clé de la secte Aum Shinrikyo, responsable de l'attaque au gaz sarin à Tokyo en 1995.

Yuki Niimi, veuve du terroriste de la secte Aum, raconte son histoire

Le mari de Yuki Niimi était considéré comme le «disciple le plus sanglant» de la secte Aum: le 20 mars 1995, il a libéré du gaz sarin dans cinq rames du métro de Tokyo. Ce n’est qu’après sept ans de mariage que Yuki Niimi a pu toucher son mari pour la première fois, c’était à la morgue où elle a récupéré son corps après son exécution, et l’a embrassé dans son cercueil. Avant cela, une vitre la séparait de son époux Tomomitsu Niimi, condamné à mort pour avoir été un membre notoire de la secte apocalyptique Aum Shinrikyo qui, il y a 30 ans, a orchestré une attaque mortelle avec un agent neurotoxique à Tokyo.

Le 20 mars 1995, des membres de Aum ont libéré du gaz sarin dans cinq rames du métro de la capitale nippone, tuant 14 personnes et en rendant des milliers d’autres malades. «Jusqu’à la toute fin, il n’a présenté aucune excuse aux victimes. Il n’a exprimé aucun regret pour ce qu’il a fait. Il a suivi le chemin en lequel il croyait», a déclaré Yuki Niimi, 47 ans, lors d’un entretien à l’AFP.

Une vie marquée par la secte Aum Shinrikyo

L'influence du gourou Shoko Asahara

Elle-même membre d’un groupe qui a succédé à Aum jusqu’en 2012, Mme Niimi a été condamnée pour avoir utilisé l’intimidation pour tenter de recruter une connaissance. Compte tenu de l’ampleur des crimes de son mari, elle estime que la peine de mort était «inévitable». Sous l’influence du gourou aux cheveux hirsutes et presque aveugle, Shoko Asahara, les adeptes de Aum croyaient que la fin du monde arrivait et voyaient les massacres comme un moyen altruiste d’élever les âmes à un niveau supérieur.

Tomomitsu Niimi, le disciple le plus sanglant

Parmi ses disciples les plus fidèles se trouvait Tomomitsu, qui était derrière les barreaux lorsqu’il a rencontré Yuki Niimi, et lorsqu’ils se sont mariés en 2011. Leur relation consistait en des échanges épistolaires et 15 à 30 minutes de conversation quotidienne sous la supervision d’un gardien. Mais leur histoire s’est terminée à l’été 2018 avec son exécution, ainsi que celle de douze autres membres de Aum, dont Asahara.

Tomomitsu, décédé à l’âge de 54 ans, est parfois considéré comme le «disciple le plus sanglant» de Aum - ayant aidé à perpétrer sept attaques mortelles du groupe. Il a notamment tué par étouffement un enfant d’un an lors du meurtre en 1989 d’un avocat anti-Aum et de sa famille.

Les derniers jours de Tomomitsu Niimi

Pourant, Yuki Niimi garde avec elle des photos de Tomomitsu jeune, souriant, assis en tailleur avec le chef de la secte derrière lui, tous deux vêtus de larges robes blanches et éclatantes. Cependant, environ un mois avant l’exécution, elle a senti l’allégeance de son mari envers son gourou s’effondrer. «Il l’a appelé simplement "Asahara" - cela ne s’était jamais produit auparavant en douze ans ou plus que nous étions ensemble. C’était impensable, après toutes ces années à le nommer "gourou" ou "maître", dit-elle.

Ensuite, dans son journal, il a clairement exprimé, «dans les derniers jours de sa vie, qu’il ne le suivait plus». Il a écrit avoir réalisé que les enseignements d’Asahara sur le karma étaient faux, explique-t-elle. De plus, malgré le manque de remords de Tomomitsu, «j’ai demandé pourquoi Aum avait effectué l’attaque au gaz du métro, et mon mari m’a clairement dit que le gourou était malade, mentalement malade», a-t-elle ajouté.

«Les adeptes disent encore que le gourou avait des pensées profondes, mais pas du tout. Il était mentalement malade», ajoute-t-elle sur un ton toujours posé et éloquent.

L'impact des empoisonnements au métro

Les empoisonnements au métro en 1995 ont choqué le monde et conduit à une prise de conscience de l’extrémisme au Japon, avec une répression de l’empire d’Asahara qui a pu s’appuyer sur plus de 10'000 adeptes. Les groupes issus de cette secte continuent de recruter encore aujourd’hui et on estime à 1'600 les membres dans l’archipel. Deux de ces groupes, Aleph et Hikarinowa, ont même pignon sur rue au Japon, ce qui les rend plus faciles à surveiller, selon certains experts.

Yuki Niimi et son parcours dans la secte

Yuki Niimi a rejoint Aleph en 2002, sa curiosité pour le mysticisme éclipsant ses peurs d’Aum, explique-t-elle. Pour elle, l’attrait principal pour la secte était de pouvoir renaître dans un «monde céleste» où il n’y a «pas de souffrance causée par la maladie ou l’amour».

Puis un jour, elle est allée voir Tomomitsu derrière les barreaux pour obtenir des conseils «de premier ordre», mais en fait elle est tombée «amoureuse au premier regard». «Mes sentiments envers lui n’étaient pas seulement romantiques, mais proches du culte», poursuit-elle. Et la «Yuki amoureuse» s’est progressivement éloignée d’Aleph qu’elle a quitté en 2012.

Mais peu de choses ont changé depuis, dans ce mouvement, dont les autels sont encore décorés de photos d’Asahara. «Il n’y a aucune chance qu’ils changent un jour, déclare Mme Niimi. La mort (d’Asahara) n’affaiblit en rien leur foi, de la même manière que Jésus est immortalisé dans le christianisme.» La veuve pense que l’échec des relations familiales est la principale raison de l’endoctrinement de certains jeunes, se souvenant de sa propre mère parfois autoritaire.

«S’ils avaient construit une bonne relation avec leurs parents, je ne pense pas qu’ils auraient cherché du réconfort dans les sectes», témoigne-t-elle. Et Yuki Niimi fait maintenant le chemin inverse. «Aleph et Aum nient tout ce qui concerne votre famille ou vos amis, mais maintenant, ce sont ces personnes qui me donnent une raison de vivre».