Un an après son arrivée au pouvoir, le Premier ministre portugais de droite modérée Luis Montenegro est dans l'œil du cyclone pour une affaire de conflit d'intérêts. Empêtré dans une polémique sur un conflit d’intérêts présumé et sous pression de l’opposition, il pourrait devoir retourner devant les électeurs en mai, un coup dur un an à peine après son arrivée au pouvoir.
Au cœur de la polémique, une entreprise de prestation de services détenue par sa femme et ses enfants, ayant des contrats avec plusieurs sociétés privées, dont Solverde, un groupe d’hôtels et de casinos dont l’activité est soumise à des concessions accordées par l’État. Le groupe a révélé mercredi avoir mis un terme à ce contrat et M. Montenegro, 52 ans, a annoncé que l’entreprise familiale serait désormais strictement détenue et dirigée par ses enfants, après que son épouse leur aura cédé ses parts. Trop tard, estiment de nombreux observateurs.
Une crise politique majeure
Motion de censure et pression de l'opposition
L’affaire, qui s’ajoute à des révélations sur d’éventuelles irrégularités dans l’acquisition d’un appartement, a valu au Premier ministre de devoir affronter mercredi une motion de censure déposée par les communistes, dont le texte dénonce la connivence du pouvoir politique et économique. Même si cette motion n’a pas été adoptée, face à l’insistance de l’opposition qui continue de réclamer des clarifications, le chef du gouvernement a annoncé qu’il demanderait la confiance au Parlement, où il ne dispose pas de la majorité absolue et a donc un soutien suffisant.
Rebelo de Sousa travaille sur «tous les scénarios»
Les socialistes, principal parti d’opposition, comme l’extrême droite de Chega, ont du reste déjà fait savoir qu’ils n’accorderaient pas la confiance au gouvernement. En cas de vote défavorable au Parlement, qui pourrait avoir à se prononcer mercredi, le président portugais, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, a indiqué qu’il travaillait sur «tous les scénarios» dont celui de législatives anticipées qui pourraient se tenir «le 11 ou le 18 mai». «Il faut aller vite» afin de «minimiser les conséquences» de cette situation, a souligné le chef de l’État qui a le pouvoir de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections.
Avant de prendre une décision, il doit entendre les partis et convoquer le conseil d’État, un organe consultatif composé des plus hautes personnalités politiques du pays.
«Imprévisibilité» et stabilité économique
Cette situation entraîne une «certaine imprévisibilité», ce qui n’est «pas bon pour la stabilité économique et politique», explique à l’AFP la politologue Paula Espirito Santo de l’Université de Lisbonne. Le président a «d’une certaine manière anticipé une issue qui est peut-être sa propre interprétation» de cette crise politique, mais il a toujours la possibilité de «demander au gouvernement qu’il choisisse une autre personnalité pour remplacer l’actuel Premier ministre, sans que cela implique la dissolution de l’Assemblée», pointe-t-elle.
«Chicaneries politiques» et réactions de l'opposition
Jeudi, le quotidien Publico a regretté dans un éditorial que le Premier ministre Luis Montenegro ait tardé à s’expliquer et n’ait pas vu «de problème politique à détenir une participation dans une entreprise» en contrat avec «une société privée avec laquelle l’État fait des affaires».
Pour l’opposition, le chef de gouvernement est seul responsable de cette crise. M. Montenegro a préféré des élections «plutôt que d’apporter d’avantage de clarifications», a ainsi fustigé la responsable du groupe parlementaire socialiste Alexandra Leitao.
Les socialistes «cherchent des chicaneries politiques et le pourrissement du gouvernement», s’est défendu Hugo Soares, président du groupe parlementaire du Parti social démocrate (PSD, centre droit) au pouvoir, précisant que si le gouvernement était renversé, M. Montenegro sera à nouveau candidat au poste de Premier ministre.
C’est en mars 2024 que M. Monténégro a pris ses fonctions et succédé à Antonio Costa, un socialiste qui avait démissionné en novembre 2023 dans le cadre d’une enquête sur un trafic d’influence présumé. M. Costa, qui a toujours nié toute irrégularité, est devenu président du Conseil européen en juin 2024.