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Macron évoque un partage de la dissuasion nucléaire française avec l'Europe


Face aux tensions entre Trump et Zelensky et aux craintes d'un désengagement américain, la France ouvre le débat sur une dissuasion nucléaire européenne commune.

Macron évoque un partage de la dissuasion nucléaire française avec l'Europe

Devant le spectaculaire rapprochement des États-Unis avec la Russie, Emmanuel Macron a remis sur la table l’idée sensible d’un partage de la dissuasion nucléaire française au niveau européen. Le président français s’est dit prêt à «ouvrir la discussion» sur une dissuasion nucléaire européenne après l’affrontement verbal entre Trump et Zelensky vendredi à Washington, qui laisse craindre un désengagement des Etats-Unis en Ukraine et une rupture historique de leur alliance avec les Européens.

Emmanuel Macron répondait au futur chancelier allemand Friedrich Merz qui a jugé nécessaire que l’Europe se prépare «au pire scénario» d’une Otan dépourvue de la garantie de sécurité américaine, y compris nucléaire.

Réactions politiques en France

Marine Le Pen et le Rassemblement national

Pour la leader du Rassemblement national, Marine Le Pen, les États-Unis restent «évidemment» un allié de la France au sein de l’Otan. «Est ce qu’on sort de l’Otan ? Non, bien sûr», a-t-elle dit, «ceux qui disent cela ne sont pas des gens raisonnables». Et donc la dissuasion nucléaire de la France doit rester «française» et «on ne doit pas la partager», a-t-elle estimé samedi, en minimisant la portée des échanges très tendus de la veille dans le Bureau ovale. «C’est assez normal», a-t-elle estimé parce que «le chemin de la paix est un chemin qui est difficile».

Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise

Sans se prononcer directement sur la dissuasion nucléaire, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a estimé sur son blog qu’il fallait «faire obstacle» à «l’Europe de la défense». Pour lui, les Européens ont reçu avec cette altercation Trump-Zelensky ce qu’ils méritaient. La «servilité atlantiste est payée par un mépris qui les laisse transis de peur».

Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann

«Les ennemis de l’Europe doivent savoir que nos partenaires, ceux qui partagent nos valeurs, bénéficient du parapluie nucléaire français», a estimé sur la radio France Inter Valérie Hayer, actuelle présidente du groupe Renew (centristes) au Parlement européen.

«La France a un rôle immense à jouer parce qu’elle est la seule puissance dotée de l’arme nucléaire de l’Union européenne, parce qu’elle a une industrie de défense puissante», a abondé sur le média audiovisuel franceinfo l’eurodéputé social-démocrate Raphaël Glucksmann.

Sommet à Londres

Une quinzaine de dirigeants européens doivent se retrouver lors d’un sommet dimanche à Londres, auquel participera le président ukrainien, pour «faire avancer» leurs actions concernant l’Ukraine et la sécurité, et sans doute s’interroger sur leurs alliances.

Obstacles et autonomie de décision

Mais le scénario d’une dissuasion nucléaire européenne se heurte à de nombreux obstacles, dont l’autonomie de décision revendiquée par la France dans ce domaine.

Depuis son origine dans les années 1960, la dissuasion française voulue par le général de Gaulle se veut complètement indépendante et repose sur l’appréciation par un seul homme, le président de la République, d’une menace contre les intérêts vitaux du pays.

En février 2020 Emmanuel Macron avait mis en avant «la dimension authentiquement européenne» des intérêts vitaux français, non sans susciter des débats. Vendredi, il a en même temps relevé que «sa doctrine nucléaire garde un certain mystère parce que l’ambiguïté fait partie de son efficacité». La France ne va donc pas dire par avance où elle pourrait frapper, c’est le choix du chef des armées», c’est-à-dire du président, a-t-il ajouté.

Crédibilité d’un parapluie franco-britannique

L’idée d’une dissuasion nucléaire européenne pose aussi la question de la crédibilité d’un parapluie franco-britannique. Selon l’institut Sipri, la France dispose de 290 têtes nucléaires, le Royaume-Uni de 225, contre 3708 pour les États-Unis.

En conclusion, la proposition d'Emmanuel Macron de partager la dissuasion nucléaire française au niveau européen soulève de nombreuses questions et défis. Les réactions politiques en France montrent une diversité d'opinions, allant de la nécessité de maintenir l'autonomie française à la critique de la «servilité atlantiste». Le sommet à Londres sera une occasion cruciale pour discuter de ces enjeux et définir les prochaines étapes pour la sécurité européenne.