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'Anora' de Sean Baker en lice pour les Oscars après la Palme d'Or


Le film suit une strip-teaseuse devenue escort à New York. Une reconnaissance inédite pour l'industrie du sexe.

'Anora' de Sean Baker en lice pour les Oscars après la Palme d'Or

Qu’un réalisateur en vue s’intéresse au monde du sexe tarifé est rare. Qu’il ait de bonnes chances de triompher aux Oscars l’est encore plus. Avec «Anora», le cinéaste Sean Baker met de nouveau la lumière sur celles et ceux que beaucoup préfèrent refuser de voir. Déjà auréolé de la Palme d’Or au dernier festival de Cannes, le film suit le parcours d’Ani (Mikey Madison), une strip-teaseuse de New York devenue escort, emportée dans une histoire d’amour qui finit mal avec un jeune client, fils effronté d’un riche oligarque russe. Dimanche, il pourrait remporter l’Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur et de la meilleure actrice, entre autres catégories.

Avant l’escort Ani, Sean Baker avait braqué les projecteurs sur des prostituées transgenres («Tangerine» en 2015) ou encore des actrices porno («Starlet» en 2012). «Sean comprend le travail du sexe vraiment bien», se réjouit Casey Calvert, actrice et réalisatrice de films X, qui a collaboré avec le cinéaste comme consultante sur «Red Rocket» (2021). «C’est le seul réalisateur actuel issu de l’industrie du cinéma grand public qui arrive à bien en parler. Il est aussi le seul pour qui ça importe», abonde Eli Cross, chef opérateur qui travaille avec Casey Calvert.

Une reconnaissance inédite pour l'industrie du sexe

Authenticité et détails réalistes

Sean Baker fait parfois jouer de vrais acteurs pornographiques dans ses films. «C’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que le succès critique d’Anora est très important», se félicite Casey Calvert. S’il devait triompher aux Oscars, «j’aurais l’impression que cette industrie que j’aime est reconnue sur une scène où elle n’a jamais été reconnue auparavant».

Typique des films de Baker, «Anora» est truffé de détails qui pourraient échapper aux spectateurs lambda, comme les bleus sur les jambes d’Ani, marquées par la barre de pole dance, ou la façon dont elle se lèche les doigts avant d’entamer un acte sexuel. «C’est un truc de travailleur du sexe, c’est vraiment authentique», commente encore Casey Calvert. «Les travailleurs du sexe sont très dubitatifs face aux films sur l’industrie», ajoute-t-elle, car «Hollywood, historiquement, a véhiculé une vision sur les escorts et la prostitution qui n’était pas particulièrement positive».

Critiques et stéréotypes

Sean Baker est devenu populaire auprès de l’industrie de la pornographie, qui reproche aux productions grand public une image stéréotypée des métiers du sexe tarifé et aux médias de n’aborder que ses dérives, notamment la représentation misogyne du plaisir féminin. Le X fait l’objet de nombreuses critiques de mouvements féministes, avec des scènes parfois violentes où le consentement de la femme ne semble pas toujours évident.

L’exemple le plus connu est sans doute celui du film «Pretty Woman», un conte de fées dans lequel une prostituée tombe amoureuse d’un homme qui deviendra son sauveur. Sean Baker avait d’ailleurs dit à l’AFP avoir voulu, avec «Anora», éviter ce cliché de la «prostituée au grand cœur». «Il ne s’agit pas du tabou autour du sexe. Il s’agit simplement d’une communauté marginalisée de personnes qu’il trouve vraiment intéressantes et qu’il veut découvrir», continue Casey Calvert à propos du réalisateur. Il est «incroyable» d’avoir un film qui représente ainsi «le travail du sexe consensuel entre adultes», se réjouit aussi Siouxsie Q, actrice porno et militante pour les droits des travailleurs du sexe. «Nous avons vraiment fait du chemin», dit-elle.

Faire tomber les barrières

Sean Baker, par son approche réaliste et empathique, contribue à faire tomber les barrières et à changer la perception du public sur le travail du sexe. En mettant en lumière des aspects souvent ignorés ou mal compris de cette industrie, il offre une voix à ceux qui sont souvent marginalisés et stigmatisés.

En conclusion, «Anora» est bien plus qu’un simple film sur le sexe tarifé. C’est une œuvre qui cherche à humaniser et à donner de la dignité à ceux qui travaillent dans cette industrie, tout en brisant les stéréotypes et en offrant une représentation authentique. Si le film remporte des Oscars, ce sera une reconnaissance bien méritée pour un cinéaste qui ose aborder des sujets tabous avec sensibilité et respect.