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La Russie déploie une vaste campagne de guerre informationnelle pour légitimer son invasion en Ukraine


Un rapport français révèle que Moscou utilise des stratégies sophistiquées pour justifier son opération militaire, ciblant l'Europe et l'Afrique.

La Russie déploie une vaste campagne de guerre informationnelle pour légitimer son invasion en Ukraine

La Russie déploie depuis trois ans une campagne très organisée de guerre informationnelle pour légitimer et engranger du soutien à sa guerre en Ukraine, témoignant d'une «vraie culture stratégique» dans ce domaine, selon un rapport gouvernemental français. Trois ans après le début de l'invasion russe, le document de Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, décrit sept campagnes lancées au service de l'État russe.

Toutes tentent de «légitimer le bien-fondé de "l'opération militaire spéciale" en Ukraine, en la présentant comme une action défensive face à la prétendue agressivité d'un État ukrainien soutenu par "l'Occident collectif"», explique l'étude. «La Russie dispose d'une doctrine informationnelle solide, éprouvée de longue date et expérimentée, qui s'appuie sur une vraie culture stratégique, sur des lignes idéologiques fortes», commente Marc-Antoine Brillant, chef de Viginum.

La stratégie informationnelle de la Russie

Une doctrine éprouvée et des actions ciblées

Traditionnellement, souligne-t-il, Moscou développe des actions «soit de manière globale, pour entretenir un bruit de fond permanent, soit en accompagnement d'autres actions dans le champ physique, notamment lors de conflits armés». Et si l'invasion russe de la Crimée en 2014 a accéléré le processus, une poussée majeure s'est produite en 2022 avec des actions visant essentiellement la France, l'Europe, l'Ukraine et l'Afrique.

Les acteurs et les modes opératoires

Les modes opératoires documentés par Viginum proviennent d'organes étatiques russes, mais également d'acteurs privés agissant comme sous-traitants, ou qui financent les opérations pour en «tirer des bénéfices financiers ou politiques», précise le rapport. Marc-Antoine Brillant cite les «Kremlin leaks», du média en ligne estonien Delfi, selon lequel Moscou consacre annuellement près d'un milliard d'euros à cet objectif.

«C'est la preuve que la désinformation, la propagande, et la communication sont des outils essentiels de leur stratégie de déstabilisation», malgré le coût exorbitant de la guerre en Ukraine, fait-il valoir. Il souligne enfin la montée en puissance, appelée à durer, des influenceurs dont quelque 2 000 «ont été approchés, à peu près partout et à leur insu, via des sociétés écrans».

Les campagnes spécifiques

En France et en Europe, l'opération Doppelgänger (ou RNN) tente ainsi depuis des années de «saper le soutien occidental à l'Ukraine» en usurpant l'identité de médias (Le Monde, The Washington Post, Der Spiegel, etc.) et d'institutions (Otan, ministère des Affaires étrangères français, etc.) via la reprise à l'identique des logos et typographies des organes usurpés.

Matriochka cible pour sa part les médias et fact-checkers, tandis que Voice of Europe «dénigre» le gouvernement ukrainien en Occident, selon le rapport. Le média aurait également permis d'approcher des personnalités politiques européennes favorables à l'arrêt du soutien à Kiev. En territoire ukrainien, Portal Kombat repose sur un réseau de plus de 200 sites web qui (...) relaient massivement des publications issues de sources pro-russes.

Les sites ont ciblé spécifiquement Kiev à partir d'avril 2022, selon Viginum, pour «amplifier le ressentiment des populations locales russes à l'encontre des autorités ukrainiennes et informer sur les opérations militaires en cours».

La mesure de l'impact

Marc-Antoine Brillant admet pourtant une difficulté majeure: aucun outil de mesure d'impact ne fait consensus. «Il est difficile d'attester de manière fiable qu'une population a changé de comportement par l'effet de campagnes répétées», relève-t-il. Viginum se concentre donc seulement sur ce qui est mesurable: «visibilité, portée, risque d'impact».