Cela fait des décennies que «Choudenshi Bioman» n’est plus diffusée à la télévision, mais ses histoires épiques opposant le bien au mal résonnent toujours chez les milléniaux sud-coréens, nés entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990. Ses héros masqués ont passé la soixantaine, et l’occasion de les rencontrer en personne dans une salle de concert de Séoul, à guichet fermé, était trop belle pour la rater, même avec des tickets d’entrée dépassant les 300 000 wons (188 francs).
«On est des employés de bureau et, même si le prix du billet n’est pas donné, ça rentre dans notre budget en tant que fans de longue date», assure Oh Myung-hoon, 39 ans. Cha Jeong-in, une développeuse de jeux vidéo du même âge, dit avoir dépensé quelque 1352 francs pour venir à Séoul depuis Manille, où elle réside.
«J’ai pensé que si je manquais cette occasion, je ne pourrais jamais les voir face à face », explique-t-elle à l’AFP. Les séries du genre «Super Sentaï» comme «Bioman» narrent l’histoire d’un groupe de personnes dotées de super-pouvoirs qui combattent des méchants désireux de dominer le monde.
Un phénomène rare et apprécié
Le programme a été diffusé à une époque où le Japon se transformait en puissance culturelle mondiale. Ses studios d’animation et de cinéma produisaient des contenus vus dans le monde entier. Mais de nombreux fans sud-coréens ne savaient même pas que «Choudenshi Bioman» était une création japonaise.
Restrictions culturelles et sentiment antijaponais
Pendant des décennies, la Corée du Sud a imposé des restrictions aux importations de produits culturels japonais en raison de tensions historiques, l’Empire du Japon ayant colonisé la péninsule coréenne de 1910 à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1998 que Séoul a commencé à lever son interdiction sur les contenus médiatiques japonais.
«Bioman» a fait figure de rare exception, ses super-héros japonais entrant dans le pays en VHS, ce qui en a fait un phénomène rare et apprécié dans les années 1980 et 1990. Les autorités ont néanmoins exigé que les voix soient doublées, effaçant toute trace de leurs origines nippones. Cela a permis à la série de prospérer à une époque où le sentiment antijaponais restait fort, souligne le chroniqueur médias Kim Do-hoon.
Le doublage comme solution
«Les fictions qui ont dominé ma jeunesse étaient toutes japonaises (...) mais devaient paraître coréennes grâce au doublage», se remémore-t-il. Certaines scènes passaient quand même la censure, laissant apparaître en arrière-plan des signes japonais qui pouvaient perdre le jeune public. Cha Jeong-in se souvient d’avoir été déconcertée par des «caractères incompréhensibles».
Rencontre avec les acteurs
Pour les acteurs de séries «Super Sentaï», l’accueil chaleureux du public à Séoul a été à la fois exaltant et déroutant, au vu de la censure passée. «Je ne m’attendais pas à ce qu’une telle chose se produise 40 ans après le tournage, j’ai donc été très surpris», déclare à l’AFP Kazunori Inaba, qui jouait le rôle de «Red Mask» dans «Maskman».
L’ancien comédien de 68 ans, qui tient aujourd’hui un restaurant de ramen à Tokyo, trouve «difficile» d’expliquer l’engouement dont jouit encore en Corée du Sud cette fiction vieille de plusieurs décennies.
«Si notre travail peut servir de pont entre le Japon et la Corée, alors nous avons fait du très bon travail», se réjouit-il.