Le procès de Luis Rubiales, l'ancien patron du football espagnol, accusé d’avoir embrassé l’attaquante de l’équipe nationale Jenni Hermoso sans son consentement et d’avoir ensuite fait pression sur elle, s’est achevé vendredi. Le jugement a été mis en délibéré, marquant la fin de neuf jours d’audience à San Fernando de Henares, près de Madrid.
Luis Rubiales, 47 ans, et ses trois co-accusés ont décliné la possibilité de prendre la parole une dernière fois. «Bien que cela semble incroyable, nous avons donc terminé», a conclu le juge José Manuel Fernández-Prieto. Comme c’est toujours le cas en Espagne, le magistrat n’a donné aucune indication sur la durée du délibéré, qui est souvent de plusieurs semaines.
Un procès marqué par la notion de consentement
Les accusations et les plaidoiries
La séance de vendredi a été consacrée aux plaidoiries des avocats des trois co-accusés de Luis Rubiales, qui étaient jugés pour un délit présumé de coercition. Le parquet a réclamé deux ans et demi de prison à l’encontre de l’ex-président de la Fédération espagnole de football (RFEF): un an pour agression sexuelle et un an et demi pour ces pressions, constitutives, selon le ministère public, d’un délit de coercition.
Il a également requis un an et demi de prison à l’encontre de l’ancien sélectionneur de la «Roja» féminine, Jorge Vilda, et de deux anciens responsables de la RFEF, Rubén Rivera et Albert Luque.
Les réactions politiques
Interrogée à la fin du procès, la ministre socialiste de l’Egalité Ana Redondo a émis le souhait que la sentence soit «conforme à la législation espagnole» sur la liberté sexuelle, qui repose sur la notion du consentement. Cette loi, a-t-elle dit, «est une bonne loi, qui interpelle directement le patriarcat et […] le machisme et place le consentement au centre des relations sexuelles».
Le témoignage de Jenni Hermoso
Première à témoigner lors de ce procès, l’attaquante espagnole Jenni Hermoso, 34 ans, avait réaffirmé n’avoir jamais consenti à ce que le dirigeant l’embrasse sur la bouche lors de la remise des médailles après le sacre de l’Espagne en finale du Mondial féminin à Sydney, le 20 août 2023. Elle avait aussi déclaré avoir éprouvé du «dégoût» et s’être sentie «peu respectée» en tant que femme.
La meilleure buteuse de la «Roja», l’équipe nationale espagnole, avait également décrit les «innombrables» pressions qu’elle avait subies après ce geste pour en minimiser l’importance et étouffer le scandale.
Les réquisitions du parquet
Lors de ses réquisitions, la procureure Marta Durántez Gil a estimé qu’il n’y avait «aucun doute» sur le fait qu’il s’était bien agi d’un baiser forcé. Depuis une récente réforme du Code pénal espagnol, un baiser sans consentement relève de l’agression sexuelle, catégorie regroupant tous les types de violences sexuelles, y compris le viol.
La défense de Luis Rubiales
L’avocate de Luis Rubiales, Me Olga Tubau Martínez, avait plaidé la relaxe, affirmant que la conduite de son client avait certes été «inappropriée», mais en aucun cas «criminelle». Elle avait également rejeté toute coercition, c’est-à-dire toute contrainte par le recours à la force ou aux menaces, de la part de Luis Rubiales, qui était le supérieur hiérarchique de Jenni Hermoso. «Contraindre, ce n’est pas demander, ce n’est pas insister», avait-elle argumenté.
Lors de son interrogatoire, Luis Rubiales, qui dirigeait d’une main de fer la RFEF depuis mai 2018, avait campé sur ses positions, se disant «absolument sûr» que Jenni Hermoso lui avait donné son consentement pour qu’il l’embrasse sur les lèvres. Un expert en lecture labiale, diligenté par la défense, avait également assuré que Luis Rubiales avait sollicité son consentement, mais admis qu’il n’était pas en mesure de confirmer si la joueuse avait répondu. L’ex-patron du foot espagnol avait reconnu que son geste n’était «pas approprié». «J’aurais dû garder mon sang-froid et ne pas me laisser emporter par l’émotion» de la victoire, avait-il concédé.
Le jugement de ce procès très médiatisé est attendu avec impatience, tant par les parties impliquées que par l’opinion publique espagnole, qui suit de près cette affaire emblématique de la lutte contre les violences sexuelles et le harcèlement.