Depuis qu’il a émergé sur la scène politique en Hongrie il y a tout juste un an, posant un défi sans précédent à l’inamovible Premier ministre Viktor Orban, Peter Magyar est devenu l’ennemi à abattre. Accusations de violences conjugales, conversations privées divulguées, ouverture d’une enquête pour vol: «Je ne m’attendais pas à une propagande aussi brutale et impitoyable», confie à l’AFP l’homme de 43 ans, pourtant issu du système.
Cet ex-haut fonctionnaire a longtemps été marié à une ancienne ministre de Viktor Orban, Judit Varga, avec qui il a eu trois garçons, avant de se muer en février 2024 en critique virulent de la corruption. D’abord traité par le pouvoir avec dérision, il a vu les attaques s’intensifier au fur et à mesure que sa popularité grandissait, attirant dans la rue des dizaines de milliers de partisans.
La montée en puissance de Peter Magyar
Un parti en pleine ascension
Son parti Tisza, qui tient son premier congrès samedi, a même dépassé dans plusieurs sondages le Fidesz de Viktor Orban à un an des législatives. «Un jour mon fils m’a demandé, plaisantant à moitié: "Papa, es-tu vraiment un traître?" Il avait entendu ce mot sur la télévision publique», raconte M. Magyar, qui a alors pris conscience dans sa chair de la violence de cette «propagande à la Goebbels».
Les méthodes de Viktor Orban
Au pouvoir depuis 2010, le nationaliste Orban a mis la main sur de nombreux médias, désormais prompts à relayer «des campagnes de diffamation virulentes», explique la sociologue Andrea Szabo. Le Premier ministre lui-même se livre rarement à des attaques directes et ne prononce jamais ou presque le nom de son rival. Il laisse le soin à ses proches de mener l’offensive, sous la supervision du redoutable «ministre de la Propagande» Antal Rogan.
«Ils calomnient leur cible personnellement plutôt que de critiquer leurs politiques», n’hésitant pas aussi à s’en prendre à l’entourage, «ce qui rappelle les méthodes des autocraties», estime l’experte. Dans le cas de Peter Magyar, son ex-femme l’a accusé de l’avoir frappée avec des livres et violemment bousculée, des allégations qu’il a niées.
Les attaques médiatiques
Des enregistrements téléphoniques ont été diffusés, où on l’entend dire du mal de sympathisants et d’eurodéputés de son camp. Un trucage via l’intelligence artificielle, a rétorqué l’intéressé, disant être abreuvé au quotidien de menaces. Plus récemment, il a été inculpé pour vol après avoir confisqué le téléphone portable d’un homme qui le filmait en discothèque. Le parquet a réclamé dans cette affaire la levée de son immunité au Parlement européen.
Exemples plus anecdotiques mais révélateurs du climat délétère, les journaux télévisés ont moqué ses lunettes de soleil de «gonzesse» et passé en boucle des images de l’élu en suggérant qu’il s’était «touché les parties intimes».
La résilience de Peter Magyar
Derrière le sourire, le quadragénaire dit en avoir perdu le sommeil et du poids, et avoue qu’il n’aurait sans doute jamais pu supporter «ce torrent de haine et de mensonges (s’il) avait dû tout encaisser d’un coup». «Le Fidesz est prêt à tout pour rester au pouvoir», affirme-t-il dans les locaux de son parti à Budapest, affichant le slogan «Pas à pas, brique par brique».
De nombreuses personnes ont été victimes de cette stratégie, se retrouvant fragilisées, évincées, condamnées. Mais lui «connaît bien les mécanismes du système» et sait mieux se défendre, selon l’analyste Andrea Szabo. Même si sur le long terme, cette opération de dénigrement «risque de semer le doute chez les électeurs et ancrer en eux l’image d’un homme incapable de gouverner», prévient-elle.
Un adversaire redoutable
Mais cette fois, Viktor Orban a affaire à un adversaire qui joue sur le même terrain que lui. Peter Magyar incarne «la mentalité Fidesz» et use parfois des mêmes méthodes, accuse le reste de l’opposition. Il partage aussi les mêmes idées, critiquant l’interventionnisme de Bruxelles et l’aide militaire à l’Ukraine, tout en adoptant une ligne dure sur les migrants et esquivant les sujets LGBT+.
Parviendra-t-il à tenir jusqu’au scrutin prévu au printemps 2026? «Je suis comme l’acier, plus il est traité, plus il devient dur. C’est ce que je ressens», assure-t-il, impatient de pouvoir «bâtir un pays complètement différent».
Accusé de violences conjugales, de vol
- Accusations de violences conjugales par son ex-femme
- Diffusion d’enregistrements téléphoniques truqués
- Inculpation pour vol et demande de levée d’immunité
Lunettes de soleil de «gonzesse»
- Moqueries sur ses lunettes de soleil
- Images suggérant des gestes inappropriés