Des airbags défaillants du fabricant Takata ont causé la mort de nombreux automobilistes et provoqué le rappel de millions de voitures, comme actuellement pour la marque française Citroën en Europe. Mais depuis l'explosion du scandale en 2014, certains constructeurs ont tardé à réagir.
Dans les années 2000, le Japonais Takata a commencé à utiliser dans ses airbags un nouvel agent chimique, le nitrate d'ammonium. Moins cher, mais sensible à l'humidité, il se dégrade dans des conditions climatiques extrêmes et peut provoquer de dangereuses projections. Selon l'agence américaine de la sécurité routière (NHTSA), 28 décès et au moins 400 blessés ont jusqu'ici été officiellement attribués aux États-Unis à ces airbags défectueux.
Pourquoi ces airbags sont-ils dangereux?
L'utilisation du nitrate d'ammonium
Le nitrate d'ammonium, utilisé par Takata pour ses airbags, est un agent chimique moins coûteux mais très sensible à l'humidité. Dans des conditions climatiques extrêmes, ce composé peut se dégrader et provoquer des explosions violentes, projetant des débris métalliques à haute vitesse. Ces projections peuvent causer des blessures graves, voire mortelles, aux occupants du véhicule.
Les conséquences dramatiques
Un jeune homme du sud de la France a témoigné dans un reportage diffusé sur France 2, montrant comment il a reçu «une pièce métallique de la taille d’une balle de golf» dans l’épaule à cause de l'explosion d'un airbag défectueux. Aux États-Unis, 28 décès et au moins 400 blessés ont été officiellement attribués à ces airbags défectueux.
Quelles marques sont concernées?
Presque toutes les grandes marques automobiles ont été touchées par ce scandale. Les groupes Honda, Toyota, Volkswagen, Stellantis, Nissan, Tesla, Ford, BMW ou Ferrari ont rappelé des véhicules par dizaines de millions pour changer leurs airbags. Au 3 mai 2024, 45,6 millions d'airbags avaient été remplacés aux États-Unis, soit 69% des véhicules concernés, et 6 millions (9%) restaient à remplacer, les autres n'étant plus en circulation.
Pourquoi réagir aussi tard?
Takata, qui a fait faillite depuis, est accusé d'avoir longtemps tenté de dissimuler le problème. Dans le reportage diffusé jeudi sur France 2, d'anciens ingénieurs d'Autoliv, un concurrent de Takata, affirment que le groupe japonais ne pouvait ignorer la dangerosité du nitrate d'ammonium.
Honda, premier client de l'équipementier (18 millions d'airbags concernés), lance un rappel dès 2008, mais ce n'est qu'en 2014 que l'affaire éclate au grand jour quand la NHTSA s'empare du dossier, après une série d'accidents.
Pourquoi Citroën est au cœur du scandale?
Selon Stellantis (qui détient notamment la marque Citroën), Takata avait assuré qu'il n'y avait «pas de problème» sur les airbags produits en Europe. Le constructeur explique avoir lancé une surveillance des airbags avec des tests et annoncé une première campagne de rappel aux Antilles en 2019.
Stellantis a été l'un des seuls constructeurs (avec Ford et Mazda aux États-Unis) à lancer un «stop drive» en mai 2024, après plusieurs accidents graves: il a demandé aux propriétaires de ses très populaires Citroën C3 et DS3 dans le sud de l'Europe de ne plus conduire tant que les véhicules ne seraient pas réparés, par précaution. Il a déjà fait réparer 400'000 véhicules dans ce cadre.
Mardi, Stellantis a lancé une deuxième campagne concernant toute l'Europe - soit plus de 869'000 véhicules dont 400'000 en France - mais sans «stop drive», jugeant le risque «considérablement plus faible que dans la région du sud».
Pourquoi l'outre-mer est-il autant concerné?
En France, 29 accidents liés à ces airbags ont été recensés, provoquant 11 décès en outre-mer et un en métropole, selon le ministère des Transports. L'agent chimique présent dans les airbags vieillit très mal dans les climats chauds et humides, ce qui explique pourquoi l'outre-mer est particulièrement touché.
Volkswagen a aussi lancé en janvier 2025 une campagne «stop drive» en outre-mer après le décès d'une automobiliste. Ces mesures s'imposaient, car le rythme des réparations constaté en outre-mer avec les simples campagnes de rappel «n'était pas suffisant», a souligné le ministère des Transports auprès de l'AFP.
Quid de la justice?
L’autorité française qui contrôle la conformité des véhicules (le SSMVM) a demandé en décembre 2024 aux constructeurs de fournir une liste exhaustive des véhicules concernés. Des informations judiciaires ont été ouvertes en 2024 en Guadeloupe et en Guyane pour «homicides involontaires».
L'avocat Charles-Henri Coppet, qui représente six familles de personnes décédées, demande la mise en place d'une instruction unique sur le dossier. «La justice a pris du temps à comprendre l’ampleur» du dossier, a-t-il souligné auprès de l'AFP. «Les constructeurs ont-ils choisi d’équiper leurs véhicules en connaissance de cause?»
Un autre avocat, Christophe Lèguevaques, a rassemblé 2000 automobilistes pour lancer une action collective contre Stellantis, et une association de consommateurs, UFC-Que Choisir, a aussi annoncé porter plainte pour que «les consommateurs cessent d’être les victimes d’un laxisme industriel et institutionnel inacceptable». Aux États-Unis, des accords passés entre les plaignants et les constructeurs ont permis le versement de 500 dollars de compensation par automobiliste.