Le réchauffement climatique favorise le développement de moustiques vecteurs de maladies parfois mortelles. L'institut Pasteur (Paris) prévoit d'établir des «cartes de risques» pour mieux comprendre et anticiper ces menaces.
Les moustiques s'adaptent de plus en plus à la vie avec l’homme
Zika, dengue, paludisme, fièvre jaune, chikungunya: favorisée par le réchauffement climatique, la déforestation et une urbanisation débridée, la transmission de ces maladies infectieuses par les moustiques est de plus en plus scrutée par les chercheurs de l’Institut Pasteur.
«Les températures augmentent, les conditions de vie se dégradent: on est en train de créer des conditions de développement de moustiques adaptés à la vie avec l’homme», souligne l’entomologiste Anna-Bella Failloux.
Des moustiques urbains
Son équipe travaille sur «les espèces de moustiques qui vivent en ville avec nous: au départ, ils se développaient dans des forêts tropicales, prenaient du sang sur les animaux; aujourd’hui, ils pondent en ville dans un seau d’eau en plastique, à côté de personnes qu’ils piquent», résume-t-elle.
Risques sanitaires mondiaux
Aujourd’hui, 80% de la population mondiale court le risque d’être exposé à une ou plusieurs maladies infectieuses longtemps considérées comme tropicales, qui font plus d’un million de morts par an, majoritairement des enfants, selon l’Organisation mondiale de la Santé.
Un nouveau centre de recherche
Pour les étudier, l’institut Pasteur a annoncé mardi investir 90 millions d’euros pour construire un «centre de recherches sur les infections liées au climat et à l’environnement», qui sortira de terre en 2028. «Cela nous permettra d’avoir toutes les espèces de moustiques en même temps, au même endroit», explique Anna-Bella Failloux.
Espèces de moustiques à surveiller
Sur 3500 espèces de moustiques, seules 15% piquent l’homme. «Ceux qui nous intéressent sont les Aedes aegypti et les Aedes albopictus (le moustique tigre), qui vivent là où il y a une concentration humaine importante et une eau qui stagne autour des maisons faute d’évacuation comme dans les favelas de Rio», décrit l’entomologiste. Si ces deux espèces sont responsables de la transmission de plusieurs maladies à l’homme, de nombreuses questions restent en suspens.
«Aujourd’hui, le moustique vecteur du paludisme, Anopheles gambiae, ne peut pas transmettre les virus de la fièvre jaune, de la dengue, du chikungunya, du zika... alors qu’il cohabite avec Aedes aegypti qui, lui, les transmet», poursuit Anna-Bella Failloux. «Ils vivent au même endroit, piquent l’homme de la même façon, alors comment se fait-il que seul l’un des deux transmet le paludisme?
Méthodes de recherche
Pour étudier la transmission de ces virus, les chercheurs infectent les moustiques femelles – les seules à piquer. Elles sont d’abord «affamées pendant 24 heures», puis «on remplit une capsule recouverte de peau –en général de l’intestin de porc –, d’un mélange de sang et de virus, que la femelle de moustique va venir piquer».
«La difficulté», explique la chercheuse, «c’est de les obliger à manger, parce que ce n’est pas très appétissant. Donc on a plein d’astuces pour les attirer: on met des chaussettes qui puent, du CO2, ou une odeur de pommes». Et «certains ne piquent que la nuit: on est obligé de les infecter dans l’obscurité, donc c’est compliqué».
Cartes de risques et lutte ciblée
D’ici trois ans, ces recherches doivent permettre de dresser des «cartes de risques» pour le moustique-tigre, présent sur 80% du territoire français, en testant «différentes populations de moustiques vis-à-vis de 12 virus distincts». Alors que les moustiques ont développé une résistance aux insecticides, «il faut faire une lutte la plus possible ciblée», conclut-elle.