Le Japon a pulvérisé son record d'affluence touristique en 2024, dopé par un yen faible, selon des chiffres publiés mercredi. L'archipel a enregistré 36,8 millions d'arrivées de touristes étrangers en 2024, dépassant de loin le record d'environ 32 millions établi en 2019. Cette affluence est encouragée par des autorités soucieuses de stimuler une économie atone, mais au risque d'intensifier l'engorgement de villes comme Kyoto.
Le Japon renoue avec sa dynamique d'avant la pandémie de Covid. Le nombre de visiteurs étrangers avait été multiplié par cinq entre 2012 et 2020, avant la mise en place des restrictions liées au coronavirus, puis a gonflé à nouveau après la fin de celles-ci. C'est en partie le résultat de politiques volontaristes du gouvernement nippon visant à promouvoir autant les paysages majestueux du mont Fuji, les sanctuaires traditionnels et les restaurants de sushis que la culture des jeux vidéo et mangas associée au «Cool Japan».
Mais cette attractivité s'explique aussi par l'affaiblissement du yen, qui a plongé face au dollar depuis trois ans, glissant l'été dernier à son plus bas niveau depuis 1986. De quoi rendre la destination meilleur marché en dopant le pouvoir d'achat des visiteurs.
Le yen a plongé
Un affaiblissement qui attire les touristes
Le Japon était sur la «liste» de nombreux voyageurs, mais la faiblesse du yen est un argument supplémentaire, estime Naomi Mano, présidente de la firme d'hôtellerie et d'événementiel Luxurique. «C'est le meilleur moment (pour venir), c'est comme si la destination Japon était en solde de 30%, cela devient très bon marché pour beaucoup de gens», déclare-t-elle à l'AFP.
Objectifs ambitieux pour le tourisme
Le gouvernement japonais s'est fixé un objectif ambitieux: atteindre 60 millions de touristes étrangers par an d'ici 2030, soit un doublement en moins d'une décennie.
Répartition du tourisme
Certes, les autorités visent une meilleure répartition du tourisme à travers l'archipel et durant l'année, alors que les visiteurs privilégient en masse certaines périodes (comme la floraison des cerisiers) et une poignée de sites jugés incontournables comme Kyoto. À l'instar de Venise et de Barcelone, l'ex-capitale impériale japonaise, réputée pour ses temples et ses allées traditionnelles fréquentées par des geishas en kimono, est désormais frappée de surtourisme.
Le spectre du surtourisme
Engorgement et incivilités
Outre l'engorgement de la circulation, les habitants déplorent les incivilités de touristes s'aventurant dans les allées privées et importunant les geishas pour alimenter en photos leurs réseaux sociaux. Soucieuse d'endiguer le phénomène et de financer l'adaptation de ses infrastructures, la municipalité de Kyoto a annoncé mardi qu'elle allait relever massivement sa taxe de séjour, à partir de 2026, afin d'arriver à un «tourisme durable».
Mesures pour un tourisme durable
De Tokyo à Osaka, les grandes métropoles imposent déjà aux touristes des taxes de séjour de quelques centaines de yens. À Kyoto, la nouvelle taxe, graduée selon le prix des hébergements, pourra s'élever jusqu'à 10 000 yens (58 francs) par personne et par nuitée. Autre mesure emblématique au Japon: un quota quotidien de personnes s'applique en été pour emprunter le sentier le plus populaire pour gravir le mont Fuji, accompagné d'un droit d'accès à verser d'environ 11 francs (2 000 yens).
Conséquences économiques
Conséquence de l'affluence record de touristes: les prix des hôtels dans les villes les plus fréquentées s'envolent, au point de devenir trop onéreux pour les entreprises nippones cherchant à loger leurs employés lors de voyages d'affaires à l'intérieur du pays. Le patron d'une entreprise d'informatique, Yoshiki Kojima, a confié à l'AFP que ses employés se rendant à Tokyo pour un séminaire logent dans un «hôtel-capsule», aux espaces pas plus grands que la taille d'un lit, faute d'alternative abordable.
Moteur économique crucial
Un moteur de l'activité économique
Alors que la croissance économique du Japon reste atone, pénalisée par une consommation intérieure en berne, le tourisme est vu comme un moteur crucial de l'activité. C'est la deuxième source de revenus du pays, après les exportations d'automobiles. L'archipel, avec ses 124 millions d'habitants, reçoit toujours beaucoup moins de touristes que la première destination mondiale, la France, qui compte 68 millions d'habitants et a accueilli 100 millions de visiteurs en 2023.
Concentration de la fréquentation
L'impression de surtourisme s'explique par «une concentration de la fréquentation sur des villes spécifiques», insiste Naomi Mano. Le nombre de visiteurs étrangers à Tokyo a doublé depuis 2019, et il a été multiplié par 1,5 à Osaka. Pour Naomi Mano, le gouvernement doit assurer la promotion d'autres régions et en «faciliter l'accès», avec davantage d'informations... et d'activités dans les régions rurales, des territoires que le Premier ministre, Shigeru Ishiba, appelle justement à «revitaliser».
Promotion des régions rurales
Le gouvernement japonais doit donc continuer à promouvoir les régions rurales et à faciliter leur accès pour mieux répartir le tourisme à travers l'archipel. Cela permettrait non seulement de réduire la pression sur les grandes villes, mais aussi de revitaliser les zones rurales en offrant de nouvelles opportunités économiques.