Après plus de 50 ans d’existence, le Marineland d’Antibes, dans le sud-est de la France, a définitivement fermé ses portes au public dimanche après le dernier spectacle de ses orques Wikie et Keijo, victime de la désaffection du public mais aussi de la législation interdisant les spectacles de cétacés.
«On a le coeur en miettes»: comme Salomé Mathis, jeune soigneuse venue dire au revoir à ses ex-collègues du parc aquatique, visiteurs et employés ont fait part de leur désarroi. «On ne réalise pas encore que ces animaux vont être séparés et emmenés très loin», s’attriste devant le bassin aux otaries la jeune femme de 23 ans, partie travailler aujourd’hui dans un autre parc animalier, l’African Safari de Toulouse (sud-ouest). Etreignant un de ses anciens collègues, elle ne peut s’empêcher de fondre en larmes sous un crachin de circonstance au milieu des installations de ce qui fut, pendant des années, l’attraction phare de la Côte d’Azur, avec jusqu’à un million et demi de visiteurs par an.
La fin d'une époque pour le Marineland d'Antibes
Une désaffection progressive
«Je comprends que ça ferme avec la baisse d’affluence, mais je suis dépité car on aurait pu évoluer différemment», se désole Jérémy Lo Vasco, 34 ans, soigneur depuis 10 ans dans ce parc qui se présentait comme le premier zoo marin d’Europe et employait 103 permanents et quelque 500 saisonniers. «Pour l’instant, on ne pense pas à notre propre sort parce que notre priorité, c’est que les animaux soient bien, mais le coup de massue viendra plus tard», déplore-t-il.
Un effet boule de neige
Jérémy Lo Vasco évoque un «effet boule de neige», avec des inondations en 2015 qui avaient noyé le site, la sortie du film «Blackfish» dénonçant la captivité des cétacés, les manifestations des opposants, l’évolution du public et enfin le Covid. Autant d’événements qui ont mis à mal la fréquentation du parc et amené son propriétaire, le groupe espagnol Parques Reunidos, à annoncer sa fermeture définitive, seules des activités ludiques devant être conservées pendant la saison estivale.
Une législation contraignante
Le coup de grâce a été donné par une loi française du 30 novembre 2021 qui bannit à partir de fin 2026 les spectacles avec des orques ou des dauphins. Or, selon la direction du parc, 90% des visiteurs, passés en 10 ans de 1,2 million à 425'000 par an, venaient pour ces représentations. «Tous les salariés vont bénéficier dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi d’un accompagnement individuel. Il y en a certains, comme les soigneurs de dauphins, dont le métier va disparaître», glisse un responsable de la direction souhaitant rester anonyme.
Une histoire riche et controversée
La fermeture du Marineland met un terme à une histoire commencée quand le comte Roland Paulze d’Ivoy de La Poype, héros de la Seconde Guerre mondiale, avait ouvert, sur le modèle de ce qu’il avait vu aux Etats-Unis, ce parc entièrement dédié à la faune marine. «La véritable vocation de Marineland a toujours été la protection des animaux marins. Lorsque je l’ai créé, en 1970, les dauphins, les orques ou les phoques n’étaient que des gibiers chassés dans l’indifférence générale», déclarait-il en 1990, lors des 20 ans du parc.
Un avenir incertain pour les animaux
Dimanche, Wikie et Keijo, les deux dernières orques du Marineland, ont donc donné leur ultime représentation sous un tonnerre d’applaudissements. Les autorités françaises ayant refusé leur transfert au Japon, leur destination future reste incertaine, tout comme celle des 4000 autres animaux de 150 espèces différentes (dauphins, otaries, tortues, poissons, coraux, etc) qui peuplent les bassins du parc.
La fermeture du Marineland d'Antibes marque la fin d'une époque pour ce parc emblématique, laissant derrière lui des souvenirs mémorables mais aussi des défis considérables pour l'avenir de ses animaux et de ses employés.