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Des producteurs alsaciens expérimentent le foie gras sans gavage


Marcel Metzler et Aline Meyer développent une alternative au gavage mécanique en nourrissant les oies avec des fruits et des aliments sucrés.

Des producteurs alsaciens expérimentent le foie gras sans gavage

Des fruits, du maïs imbibé de miel, du pain d’épices: des producteurs de foie gras font en sorte que les palmipèdes se gavent tout seuls.

«Quand mon petit-fils avait quatre ans, il m’a dit: "Papy, ne fais pas de mal aux oies". Depuis, Marcel Metzler, producteur de foie gras depuis près de 40 ans en Alsace, expérimente une alternative au gavage mécanique.

Pour le septuagénaire, il faut trouver une façon de pousser l’oie à s’engraisser d’elle-même, sans recours à l’embuc, ce tube inséré dans le jabot de l’animal afin de lui déposer un mélange d’eau et de maïs. Si de nombreux pays européens ont interdit cette pratique, la France reste le premier pays producteur et consommateur de foie gras au monde. Selon une enquête CSA/Cifog de décembre, près de sept Français sur dix (69%) ont décidé d’en consommer pour les fêtes.

Une alternative au gavage mécanique

L'expérience de Marcel Metzler

Pour atteindre son objectif, Marcel Metzler s’est appuyé sur la tendance naturelle des oies à se suralimenter à l’approche des périodes de migration. «On leur a donné de la nourriture normale et au fur et à mesure, on les a habituées à plein d’autres choses», explique-t-il.

À quelques kilomètres de sa boutique à Gueberschwihr, non loin de la frontière allemande, un troupeau d’oies se dandine, la panse bien pleine. Des fruits, du maïs imbibé de miel, du pain d’épices et même des spätzle, ces pâtes alsaciennes aux œufs: les palmipèdes ont appris à se gaver tous seuls et se nourrissent six à sept fois par jour. «Les oies adorent les fruits: pommes, mirabelles, poires... coupées en morceaux», commente Marcel Metzler.

L'initiative d'Aline Meyer

Dans le nord de l’Alsace, à Eberbach, Aline Meyer, 37 ans, s’est lancée dans une expérimentation similaire. Fille d’agriculteurs, elle a repris il y a deux ans la ferme familiale, mais ne souhaitait pas poursuivre le gavage, une pratique qualifiée de cruelle par des associations de défense du bien-être animal. «Personnellement, je ne gave pas, je ne gaverai sans doute jamais, je n’ai pas envie», témoigne la trentenaire.

Si le maïs reste l’aliment principal de ses oies, elle agrémente leur nourriture avec des fruits ou du pain trempé dans du miel. «On leur ajoute des gourmandises et elles vont encore plus manger», explique-t-elle. Après quelques essais, Aline Meyer a réussi à produire pour la première fois cette année ce qu’elle a appelé du «foie d’or». Elle a fait goûter ce produit à côté de foie gras traditionnel et assure que «la moitié des gens se trompent» entre l’un et l’autre.

Les résultats et les défis

Aline Meyer décrit le «foie d’or» comme «légèrement plus foncé, puisqu’il est moins gras», avec une texture «généreuse, onctueuse, vraiment comme il faut». Un client suisse a acheté les deux premiers kilos commercialisés cette année, un volume qui reste modeste. «On n’a pas eu les quantités, mais on a le goût. Et je pense que c’est la première victoire». Le prix reste cependant «beaucoup plus cher» que le foie gras «parce que c’est plus difficile à faire», reconnaît Aline Meyer. Son objectif: «arriver à 200 euros le kilo dans quelques années» et ne produire plus que du «foie d’or».

De son côté, Marcel Metzler a commercialisé cette année 5 à 6 kilos de foie «d’oie naturellement bien élevée». Lui non plus ne peut utiliser l’appellation «foie gras» qui, selon la réglementation, désigne «le foie d’un canard ou d’une oie spécialement engraissé par gavage». Marcel Metzler milite pour que cette appellation puisse inclure également les foies conçus sans gavage. Il assure que «la demande est là»: «On a tout vendu en deux heures».

Les essais d’Aline Meyer et de Marcel Metzler «ont le mérite de démontrer l’engraissement naturel du foie chez les oies qui se nourrissent abondamment», concède Marie-Pierre Pé, directrice de l’interprofession Cifog. «Mais aujourd’hui, on ne sait pas bâtir une filière là-dessus», insiste-t-elle.

Marie-Pierre Pé pointe les coûts de production «exorbitants» et la «réussite aléatoire» de ces expérimentations pour obtenir un foie règlementaire, «c’est-à-dire un poids minimum de 400 grammes pour l’oie et 300 grammes pour le canard».

Les pâtes alsaciennes et fruits coupés en morceaux

Les oies de Marcel Metzler se nourrissent de divers aliments savoureux, y compris des spätzle et des fruits coupés en morceaux. Cette diversité alimentaire contribue à l'engraissement naturel des oies sans recours au gavage.

Un foie moins gras

Le «foie d’or» produit par Aline Meyer est moins gras que le foie gras traditionnel, offrant une texture généreuse et onctueuse. Bien que la production soit encore modeste, le goût unique de ce foie représente une première victoire pour les producteurs.