Un contrôleur va-t-il relancer la querelle linguistique belge? Un simple «bonjour» lancé par l’un d’eux dans un train circulant en Flandre lui a valu une plainte d’un voyageur néerlandophone mécontent de l’entendre parler français, un incident qui a enflammé jeudi le débat politique.
La scène, racontée par le contrôleur lui-même, se passe le 7 octobre dans un train reliant Malines, en Flandre, à Bruxelles. Alors qu’il salue les voyageurs en entrant dans une voiture avec un sonore (et bilingue) «goeiemorgen/bonjour», ce contrôleur francophone se fait corriger par l’un d’eux. «On n’est pas encore à Bruxelles, vous devez seulement utiliser le néerlandais!»
La plainte et ses répercussions politiques
Le dépôt de plainte
Révélé mercredi par deux médias, le dépôt de plainte a été confirmé jeudi par l’instance qui est en saisie, la Commission permanente de contrôle linguistique (CPCL), chargée de veiller à l’emploi des langues dans l’administration.
Réactions politiques
Dans une Belgique divisée entre Wallons, dans le sud francophone, et Flamands, du nord néerlandophone – et où Bruxelles est la seule région bilingue -, l’incident a pris une tournure politique et fait irruption dans les débats jeudi après-midi à la Chambre. Interpellé par deux députés flamands, le ministre de la Mobilité, l’écologiste francophone Georges Gilkinet, a pris la défense du contrôleur, Ilyass Alba, et appelé à «dépoussiérer une législation du siècle dernier». Il a souligné que dans un petit pays comme la Belgique, les frontières régionales étaient sans cesse traversées par les trains. La règle sur l’usage du français et du néerlandais dans les trains belges est complexe.
Les règles linguistiques dans les trains
En théorie, les contrôleurs – appelés accompagnateurs en Belgique – ne doivent utiliser les deux langues que sur le territoire de Bruxelles et dans les quelques communes dites «à facilités», où l’administration est aussi bilingue. Ailleurs, ils doivent toujours s’exprimer dans la langue de la région où ils se trouvent.
Réactions des partis politiques
Côté flamand, le président du parti chrétien-démocrate (CD&V) Sammy Mahdi est monté au créneau. «En tant que pouvoir public, on ne peut pas jeter comme ça par-dessus bord notre législation linguistique. Il faut du respect pour le néerlandais», a-t-il affirmé. Cela a valu l’ironie du ministre à ce chef de parti engagé depuis six mois dans de difficiles négociations pour constituer le futur gouvernement. «Je m’étonne que certains considèrent que c’est la priorité du jour alors qu’ils ont aussi un gouvernement à former», a taclé Georges Gilkinet.
Position de la SNCB
De son côté, la SNCB a estimé que «c’est l’intérêt du voyageur qui doit primer». «Il faut un peu plus de souplesse dans l’application de la réglementation», a dit un des porte-paroles de l’entreprise. «Dire bonjour en plusieurs langues, c'est juste sympathique, on ne peut que remercier nos accompagnateurs pour cela», a-t-il poursuivi.
Suivi de la plainte
La CPCL, saisie de la plainte, va «demander à la SNCB des informations supplémentaires sur son application des règles», a déclaré un des juristes de la commission. Elle dispose de 180 jours pour rendre un avis, qui est non contraignant.
Cet incident met en lumière les tensions linguistiques persistantes en Belgique, où la question de l’usage des langues reste un sujet sensible et politique.