Mardi après-midi, 15h30 à Washington D.C. Sweat noir sur lui et splendide sapin de noël en arrière-plan, Kyshawn George est assis devant son écran. En visio, l'ailier valaisan des Washington Wizards a commenté sa décision de rejoindre l'équipe nationale du Canada, au détriment du pays où il a été formé, pour quelques journalistes suisses. Interview.
Une décision basée sur l'ambition sportive
Le choix du Canada pour le haut niveau
Kyshawn, pouvez-vous nous expliquer les raisons de votre choix?
"J'ai toujours voulu jouer avec une équipe nationale au plus haut niveau. Le choix sportif, pour moi, c'est de pouvoir participer aux Jeux olympiques ou aux championnats du monde, pouvoir jouer contre et avec les meilleurs, et d'apprendre d'eux. Cette chance se présente plus avec le Canada, qui est dans le top 5 mondial, qu'avec la Suisse. Je n'ai rien contre le basket suisse. C'est une histoire d'opportunité et de niveau de jeu auquel je vais pouvoir me confronter."
Préparation et ambition olympique
Après la draft NBA, on vous avait plusieurs fois entendu rappeler que vous aviez aussi la nationalité canadienne. Une façon de préparer cette annonce?
"Quand je regarde les Jeux olympiques à Paris, je vois le Canada en quarts de finale. Mais juste le fait de participer à un événement comme ça, c'est déjà un rêve d'enfant. Après on ne va rien me donner. Je ne vais pas claquer des doigts et être sélectionné avec le Canada. C'est un challenge pour moi. Ils ont vingt joueurs NBA parmi lesquels choisir. Je vais devoir me mettre au travail pour me faire ma place dans les douze."
Rencontre avec le président de Swiss Basket
Fin septembre, vous avez rencontré le nouveau président de Swiss Basket, Andrea Siviero, à Washington. Il a échoué à vous convaincre?
(Il sourit) "Il y a une sélection qui joue les JO et l'autre les qualifications des grandes compétitions. Ce qui m'intéresse, c'est le niveau de jeu. Cela n'a rien à voir avec l'organisation suisse."
Influence de Thabo Sefolosha
On vous a aussi vu avec Thabo Sefolosha, qui a peu joué avec l'équipe de Suisse pendant sa carrière NBA. Son expérience a-t-elle pesé?
(Il rigole) "J'ai juste des conversations très basket avec lui. Je respecte sa carrière, je lui demande des conseils. Pour être très honnête, on a très peu parlé de l'équipe nationale. On a surtout évoqué les Wizards, la NBA, la façon de m'intégrer au mieux, gérer les vétérans, les arbitres. Je n'ai pas approfondi l'équipe de Suisse avec lui. Et puis peu importe ce qu'il a pu vivre, cela n'a pas influencé mon choix. Je suis ma propre voie."
Réactions de ses proches
Est-ce que vos potes d'enfance en Valais comprennent votre décision?
"Pour être franc, cela n'a pas soulevé tant de réactions chez les personnes que je connais. Je suppose qu'elles comprennent. Mais si ce n'est pas le cas, je suis ouvert à avoir une discussion avec elles."
Son frère et la sélection suisse
Votre grand frère Jamal (22 ans) avait intégré la sélection suisse cette année. Vous auriez pu jouer ensemble.
"Bien sûr que cela m'est passé par la tête. Je me suis dit que cela pouvait être cool de pouvoir mettre un maillot national ensemble. Mais je pense à ma carrière personnelle avant tout. Et ce challenge de pouvoir faire des Mondiaux ou des JO, c'est ce qui m'importe le plus."
Souvenirs de l'équipe de Suisse
La dernière fois que vous avez joué pour la Suisse, c'était il y a cinq ans, lors d'un Euro U16. Qu'est-ce que vous garderez de ces années?
"J'emporte avec moi tous ces stages, la cohésion qu'on avait avec les gars que j'affrontais d'habitude, de Genève et Lugano. Nous avons voyagé en Italie, en Serbie et au Portugal ensemble. On a partagé beaucoup de choses. Cela a toujours été une fierté d'avoir mon maillot de l'équipe de Suisse accroché dans ma chambre."
Un choix difficile mais réfléchi
Devoir choisir entre sa patrie de naissance et son autre patrie, qui est plus ambitieuse sportivement. On peut parler de crève-cœur?
"Je ne vais pas dire que c'était facile mais non, pas crève-cœur. Je le vois comme une chance de pouvoir jouer des deux côtés et de pouvoir choisir de me challenger en allant avec le Canada. Je suis passé par l'équipe de Suisse, je l'ai aimé avec fierté. Maintenant, avoir le choix, c'est la meilleure chose qui peut m'arriver."
Annonce de sa décision
Vous auriez peut-être aimé annoncer votre choix par vous-même mais Swiss Basket a vendu la mèche. Déçu?
"Non. Je ne maîtrise pas ces choses-là. J'essaie de contrôler ce que je peux contrôler et j'accorde beaucoup d'importance à cela. Il s'est passé ce qu'il s'est passé et on avance à partir de là."
Retour possible en Suisse?
Et si jamais le Canada n'a pas besoin de vous? Un retour en arrière est-il possible?
"Si je n'ai aucune chance de jouer pour l'équipe du Canada, il n'y aucune raison que je refuse de porter un jour à nouveau le maillot suisse. Après, je ne sais pas si administrativement, c'est possible."