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Honduras : Asfura devance Nasralla dans un dépouillement contesté


Le dépouillement de l'élection présidentielle hondurienne est marqué par des interruptions techniques et des accusations de fraude. Asfura mène avec 40,24% contre 39,41% pour Nasralla.

Honduras : Asfura devance Nasralla dans un dépouillement contesté

Le Honduras traverse une période d'incertitude politique majeure alors que le dépouillement des votes de l'élection présidentielle se poursuit dans un climat de tension extrême. L'homme d'affaires de droite Nasry Asfura, qui bénéficie du soutien explicite de l'ancien président américain Donald Trump, a repris un avantage ténu face à son rival Salvador Nasralla, candidat du Parti Libéral. Cette élection à un tour unique plonge le pays dans un suspense haletant, avec des résultats qui fluctuent au gré d'un dépouillement marqué par de multiples interruptions et des accusations de fraude.

Le processus électoral, qui devait apporter clarté et stabilité à ce pays d'Amérique centrale, s'est transformé en une épreuve de patience pour les 11 millions d'Honduriens, dont beaucoup scrutent anxieusement chaque mise à jour des résultats. Les problèmes techniques répétés et les interventions internationales ont contribué à alimenter un climat de méfiance généralisée envers les institutions électorales du pays.

Un dépouillement chaotique et contesté

Des interruptions répétées alimentent les soupçons

Le dépouillement de l'élection présidentielle hondurienne a été marqué par une série d'incidents techniques qui ont suscité de vives inquiétudes quant à la transparence du processus. Initialement interrompu lundi matin, le comptage des voix a repris mardi avant d'être à nouveau suspendu mercredi pendant trois heures pour une maintenance du système informatique. Ces interruptions successives ont immédiatement déclenché des accusations de manipulation et de fraude électorale de la part de divers acteurs politiques.

L'entreprise ASD, responsable de la transmission des résultats préliminaires, a justifié ces défaillances par un "volume élevé" d'enregistrements qui aurait saturé le serveur central. Selon leurs explications, les procès-verbaux provenant des bureaux de vote ne parvenaient pas à être transmis correctement vers la plateforme centralisée de comptage. Cette explication technique n'a toutefois pas suffi à apaiser les craintes d'une partie de l'opinion publique et des observateurs internationaux.

Les résultats serrés entre Asfura et Nasralla

Selon les derniers chiffres communiqués par le Conseil national électoral (CNE), avec 86,76% des votes comptabilisés, Nasry Asfura, 67 ans et membre du Parti National (PN), était en tête avec 40,24% des suffrages. Son adversaire, Salvador Nasralla, présentateur de télévision de 72 ans et représentant du Parti Libéral (PL), le talonnait avec 39,41% des voix. Cet écart minime de moins d'un point de pourcentage illustre la profonde division politique du pays.

La candidate du parti au pouvoir, Rixi Moncada, a subi une défaite cinglante, se retrouvant reléguée 20 points derrière les deux principaux candidats de droite. Ce résultat marque une sanction claire des Honduriens envers la gauche qui gouvernait ce pays considéré comme l'un des plus pauvres d'Amérique latine. Cette débâcle électorale témoigne du rejet massif de la gestion gouvernementale précédente et d'une aspiration au changement de la part de l'électorat.

Un processus électoral complexe et long

La présidente du Conseil national électoral, Ana Paola Hall, a tenté de rassurer la population en promettant des "résultats définitifs et légitimes", sans toutefois préciser de date exacte. Elle a expliqué que le CNE dispose d'un délai pouvant aller jusqu'à dix jours pour distribuer le matériel électoral dans l'ensemble du pays, et que le retour de ce matériel nécessite une durée équivalente, ce qui explique la lenteur du processus.

L'ancien président de l'autorité électorale, Augusto Aguilar, a défendu le caractère normal de ce processus de recomptage auprès de l'AFP. Il a rappelé que lors de son mandat au CNE, la déclaration du vainqueur avait été faite 25 jours après le scrutin. La déclaration finale du vainqueur se fera sur la base du recomptage manuel des procès-verbaux provenant des plus de 19 000 bureaux de vote répartis sur l'ensemble du territoire hondurien.

L'intervention controversée de Donald Trump

L'ancien président américain Donald Trump a joué un rôle particulièrement actif dans cette élection hondurienne, intervenant de manière directe et sans précédent dans le processus démocratique d'un pays souverain. Dans la dernière ligne droite des élections, Trump a publiquement appelé les Honduriens à voter pour Nasry Asfura, qu'il qualifie d'"ami de la liberté", marquant ainsi clairement sa préférence et son soutien au candidat de droite.

Immédiatement après la première interruption du dépouillement lundi, Trump avait menacé le Honduras de "conséquences graves", accusant sans fournir la moindre preuve le CNE de vouloir "changer les résultats". Cette intervention musclée a suscité des réactions mitigées, certains y voyant une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures honduriennes, tandis que d'autres saluaient cette vigilance face aux risques de fraude électorale.

Le sous-secrétaire d'État américain Christopher Landau a maintenu la pression en déclarant que "les yeux du monde entier, y compris les nôtres, sont braqués sur le Honduras", signifiant clairement que Washington surveillait de très près le déroulement du processus électoral et n'hésiterait pas à réagir en cas d'irrégularités constatées.

La grâce controversée de Juan Orlando Hernández

Dans un geste qui a provoqué une onde de choc au Honduras et dans la région, Donald Trump a gracié et libéré lundi Juan Orlando Hernández, ancien président du Honduras (2014-2022) et leader du Parti National. Hernández avait été condamné l'année précédente à 45 ans de prison aux États-Unis pour trafic de drogue, une sentence qui avait marqué un tournant dans la lutte contre la corruption et le narcotrafic en Amérique centrale.

Depuis les États-Unis, l'ancien président a exprimé sa gratitude sur les réseaux sociaux en écrivant : "Vous avez changé ma vie, monsieur, et je ne l'oublierai jamais", adressant ces mots directement à Donald Trump. Cette libération spectaculaire a été perçue par beaucoup comme un signal politique fort envoyé au Parti National et à Nasry Asfura en pleine période électorale.

L'épouse de Juan Orlando Hernández, Ana García, a déclaré dans une interview accordée à l'AFP que son mari ne prévoyait pas de retourner au Honduras dans l'immédiat. Elle a expliqué que "la situation n'est pas facile pour lui en raison de l'insécurité et des menaces qui pèsent sur sa vie", soulignant les risques potentiels auxquels l'ancien dirigeant serait confronté en cas de retour dans son pays natal.

Accusations de fraude et controverses institutionnelles

L'indépendance du Conseil national électoral, composé de cinq membres désignés par les principaux partis politiques, fait l'objet de remises en cause constantes. Un différend entre deux membres du conseil et des accusations mutuelles de projets de fraude ont déjà retardé le calendrier électoral avant même le jour du scrutin, illustrant les profondes divisions qui traversent cette institution censée garantir l'impartialité du processus démocratique.

Un conseiller proche du parti de gauche encore au pouvoir, Marlon Ochoa, a dénoncé une prétendue "fraude" qu'il accuse deux de ses collègues de droite d'orchestrer "avec l'appui public de Washington". Ces accusations graves ont été accompagnées de la diffusion d'enregistrements audio censés prouver ces manœuvres frauduleuses, alimentant encore davantage la confusion et la méfiance.

Cependant, l'une des membres du CNE directement mise en cause a catégoriquement rejeté ces accusations, affirmant que les enregistrements audio présentés comme preuves avaient été réalisés à l'aide de l'intelligence artificielle. Cette contre-accusation de manipulation par deepfake audio illustre le niveau de sophistication atteint par les tactiques de désinformation dans le contexte électoral hondurien.

Les appels au calme des observateurs internationaux

Face à la montée des tensions et aux accusations croisées, les missions d'observateurs électoraux internationaux ont tenté de jouer un rôle d'apaisement. L'Union européenne et l'Organisation des États américains (OEA), qui ont qualifié le déroulement de la journée de vote d'"atmosphère démocratique", ont lancé des appels pressants "au calme" à l'ensemble des acteurs politiques honduriens.

Ces organisations internationales ont souligné que malgré les problèmes techniques rencontrés lors du dépouillement, le scrutin lui-même s'était déroulé dans des conditions globalement satisfaisantes, sans incidents majeurs de violence ou d'intimidation des électeurs. Elles ont encouragé tous les candidats et leurs partisans à faire preuve de patience et à respecter les institutions électorales.

Augusto Aguilar, l'ancien président de l'autorité électorale, a adopté une position pragmatique en jugeant normales les tensions observées dans le pays. Il a expliqué que "dans tous les pays, il arrive que lorsque le résultat est très serré, il y ait des problèmes parce qu'il est très difficile pour le perdant d'accepter le résultat". Cette analyse met en perspective la situation hondurienne dans un contexte électoral mondial où les élections serrées génèrent fréquemment des contestations.

Le Honduras se trouve ainsi à un moment crucial de son histoire démocratique, où la capacité des institutions à garantir un processus transparent et la volonté des acteurs politiques d'accepter les résultats seront déterminantes pour l'avenir de la stabilité du pays. L'issue de cette élection présidentielle aura des répercussions majeures non seulement sur la politique intérieure hondurienne, mais également sur les relations du pays avec les États-Unis et le reste de la région centraméricaine.