La Cour suprême des États-Unis a tranché jeudi en faveur des républicains du Texas, autorisant l'utilisation d'une nouvelle carte électorale controversée pour les élections de mi-mandat de 2026. Cette décision représente une victoire significative pour le président Donald Trump et son parti, qui cherchent à consolider leur majorité au Congrès dans un contexte politique tendu.
Par un vote de six voix contre trois, suivant strictement les lignes idéologiques entre juges conservateurs et progressistes, la haute juridiction a annulé une décision de première instance qui avait suspendu l'application de cette carte. Le tribunal inférieur avait jugé que le découpage semblait avoir été réalisé sur des bases raciales, une pratique illégale selon la législation américaine.
Une décision judiciaire hautement controversée
La majorité conservatrice de la Cour suprême a justifié sa position en reprochant au tribunal de première instance de s'être "ingéré à tort" dans le processus électoral, créant selon elle "beaucoup de confusion" à l'approche des élections. Cette argumentation souligne la tension entre le contrôle judiciaire des pratiques électorales et le respect de l'autonomie des États dans l'organisation de leurs scrutins.
La dissidence des juges progressistes
La juge Elena Kagan, s'exprimant au nom des trois magistrats progressistes, a formulé une dissidence vigoureuse. Elle a dénoncé le fait que la Cour permette au Texas de "conduire les élections de l'année prochaine avec une carte dont le tribunal de première instance a déterminé qu'elle violait nos instructions fréquemment répétées sur l'utilisation de critères raciaux dans le découpage électoral".
Cette position minoritaire met en lumière les préoccupations concernant la protection des droits des minorités ethniques dans le processus électoral américain, un enjeu historique qui continue de diviser profondément la société et les institutions judiciaires.
Le gerrymandering au cœur du débat
Au centre de cette controverse se trouve la pratique du gerrymandering, ou découpage électoral partisan, qui consiste à redessiner les frontières des circonscriptions pour favoriser un parti politique. Cette technique permet au parti au pouvoir dans un État de maximiser ses chances de remporter davantage de sièges au niveau fédéral.
La Cour suprême avait déjà statué en 2019 que le découpage électoral partisan pour des raisons politiques ne relevait pas de la compétence des tribunaux fédéraux. Cependant, une distinction juridique importante subsiste : le gerrymandering reste prohibé lorsqu'il est pratiqué sur des bases raciales plutôt que politiques.
Cette nuance est cruciale car les minorités ethniques, notamment les communautés latino et afro-américaine, votent traditionnellement en majorité pour les démocrates. Un découpage basé sur des critères raciaux pourrait donc être utilisé pour diluer leur pouvoir électoral sous couvert de motivations politiques.
L'adoption de la nouvelle carte électorale
La nouvelle carte électorale du Texas a été définitivement adoptée en août dernier par le Parlement de cet État conservateur du Sud. Son élaboration n'a pas été un processus neutre : le président Donald Trump avait publiquement exercé des pressions sur les responsables républicains locaux pour qu'ils procèdent à ce redécoupage stratégique.
L'objectif affiché est clair : préserver et renforcer la majorité étriquée des républicains au Congrès au-delà des prochaines élections législatives de 2026. Dans un contexte où chaque siège compte, cette stratégie pourrait s'avérer déterminante pour le contrôle du pouvoir législatif fédéral.
Une stratégie de fragmentation des votes minoritaires
L'analyse de la nouvelle carte révèle une stratégie sophistiquée de manipulation électorale. Des secteurs à majorité latino ou afro-américaine, où la candidate démocrate Kamala Harris avait remporté la victoire lors de l'élection présidentielle de 2024, ont été systématiquement fragmentés.
Ces zones ont ensuite été rattachées à des circonscriptions traditionnellement acquises à la droite, une technique visant à diluer le vote démocrate. Selon les projections, ce redécoupage pourrait permettre aux républicains de remporter jusqu'à cinq sièges supplémentaires au Congrès, un gain substantiel dans une chambre où les majorités sont souvent serrées.
La contestation judiciaire initiale
Face à ce redécoupage, des électeurs afro-américains et latinos avaient saisi la justice, dénonçant un découpage électoral "discriminatoire" envers les minorités. Le tribunal de première instance leur avait donné raison mi-novembre, suspendant l'application de la nouvelle loi.
Les juges avaient alors ordonné aux autorités texanes d'utiliser pour le scrutin de mi-mandat de novembre 2026 la même carte que celle employée lors des élections de 2022 et 2024. Leur conclusion était sans équivoque : "Il existe des preuves significatives que le Texas a tracé la carte de 2025 sur des bases raciales".
La riposte démocrate en Californie
En réaction au redécoupage opéré au Texas, les démocrates n'ont pas tardé à répliquer. En novembre dernier, ils ont fait approuver par référendum en Californie, l'État le plus peuplé du pays qu'ils dominent largement, un texte destiné à leur donner également cinq sièges supplémentaires au Congrès.
Cette escalade illustre la guerre du découpage électoral qui se joue entre les deux grands partis américains, chacun cherchant à maximiser son avantage dans les États qu'il contrôle. La Californie, bastion démocrate de la côte ouest, devient ainsi le pendant du Texas républicain dans cette bataille pour le contrôle du Congrès.
Sans surprise, les républicains de Californie, soutenus par le ministère de la Justice de l'administration Trump, contestent désormais en justice ce nouveau découpage, reproduisant le schéma observé au Texas mais avec des rôles inversés.
Implications pour les élections de 2026
Cette décision de la Cour suprême aura des répercussions majeures sur les élections de mi-mandat de 2026. Ces scrutins, qui se tiennent traditionnellement à mi-parcours du mandat présidentiel, constituent souvent un test pour l'administration en place et peuvent modifier l'équilibre des pouvoirs à Washington.
Avec la possibilité pour les républicains de gagner jusqu'à cinq sièges supplémentaires au Texas, et les démocrates cherchant à faire de même en Californie, la bataille pour le contrôle de la Chambre des représentants s'annonce particulièrement serrée et stratégique.
Au-delà des considérations partisanes, cette affaire soulève des questions fondamentales sur l'intégrité du processus démocratique américain, la représentation équitable des minorités et le rôle de la justice dans la régulation des pratiques électorales. La décision de la Cour suprême, en validant cette carte controversée, marque un nouveau chapitre dans le débat permanent sur l'équilibre entre pouvoir des États et protection des droits civiques.











