Le tribunal de Marseille a prononcé une condamnation sévère à l'encontre de Fabrice Denizet, ancien courtier indépendant âgé de 59 ans, reconnu coupable d'une vaste escroquerie financière. Surnommé "le Madoff du Var" en référence au célèbre escroc américain Bernard Madoff, cet homme a orchestré un système frauduleux qui a piégé près de 800 investisseurs pour un préjudice total estimé à 33 millions d'euros.
L'affaire, qui a éclaté en 2012, révèle un montage financier sophistiqué basé sur des promesses de rendements exceptionnels et l'utilisation frauduleuse de l'image de grandes institutions bancaires. Le jugement, rendu dans le cadre d'une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), marque l'aboutissement d'une longue enquête qui a mis au jour l'ampleur de cette fraude pyramidale.
Un système de Ponzi aux dimensions impressionnantes
Fabrice Denizet avait mis en place un système de Ponzi classique mais d'une ampleur considérable. À la tête de quatre agences implantées dans le Var et d'une cinquième à Nice, il attirait les épargnants avec des promesses de taux de rentabilité mirobolants, oscillant entre 8% et 30%. Ces rendements, totalement irréalistes dans le contexte économique actuel, auraient dû alerter les investisseurs les plus avisés.
Le mécanisme frauduleux reposait sur un principe simple mais destructeur : les placements promis n'étaient jamais réalisés. Les sommes versées par les nouveaux investisseurs servaient uniquement à rembourser les anciens clients, créant ainsi l'illusion d'une activité prospère. Au plus fort de son activité criminelle, le courtier indépendant avait réussi à engranger 1 200 mandats de gestion représentant environ 600 épargnants, témoignant de sa capacité à inspirer confiance.
L'usage frauduleux de marques prestigieuses
Pour renforcer sa crédibilité et attirer davantage d'investisseurs, Fabrice Denizet n'a pas hésité à franchir une ligne rouge supplémentaire : l'utilisation illégale de la marque de la Société Générale. Il fabriquait de faux documents laissant croire que cette institution bancaire de premier plan avait émis des garanties au profit des clients de ses sociétés.
L'escroc avait également inventé de toutes pièces des accords avec la Société Générale Asset Management et un prétendu partenariat avec Boursorama. Ces fausses affiliations, totalement fictives, servaient à rassurer les investisseurs potentiels et à donner une apparence de légitimité à ses opérations frauduleuses. Un ancien employé témoignera plus tard que Denizet était "une sorte de gourou ayant réponse à tout", illustrant son talent de manipulation.
Une condamnation à la hauteur des faits
Le juge Pascal Gand a prononcé une peine de deux ans et demi de prison à l'encontre de Fabrice Denizet. Ayant déjà purgé une année en détention provisoire sous assignation à résidence et sous surveillance électronique, le prévenu devra exécuter le reliquat d'environ dix-huit mois d'emprisonnement ferme sous bracelet électronique.
Au-delà de la peine de prison, le tribunal a prononcé plusieurs sanctions complémentaires significatives :
- Une amende de 150 000 euros
- L'interdiction définitive d'exercer le courtage financier et bancaire
- L'interdiction de gérer une entreprise pendant cinq ans
- La confiscation de quelque 4,8 millions d'euros sur ses comptes bancaires
- La saisie d'un véhicule de luxe
- La confiscation d'un chalet à Vars (Hautes-Alpes) acheté 620 000 euros en 2009
Fabrice Denizet a été reconnu coupable de cinq délits distincts : escroquerie, blanchiment, abus de biens sociaux, faux et usage irrégulier d'une marque. Cette accumulation de charges illustre la complexité et la préméditation du système frauduleux mis en place.
Le déclenchement de l'enquête
L'affaire a éclaté en 2012 suite à plusieurs signalements convergents. L'Autorité des marchés financiers (AMF), organisme de régulation et de surveillance des marchés financiers français, a été l'un des premiers à tirer la sonnette d'alarme. La Société Générale, dont la marque était utilisée frauduleusement, a également signalé les agissements suspects de Fabrice Denizet.
Dès son interpellation par les forces de l'ordre, le courtier indépendant a reconnu avoir instauré un système de Ponzi, facilitant ainsi le travail des enquêteurs. Cette reconnaissance rapide des faits a probablement joué en sa faveur lors du jugement, permettant le recours à la procédure de plaider-coupable.
L'enrichissement personnel de l'escroc
L'enquête a révélé que Fabrice Denizet avait largement utilisé les fonds détournés à des fins personnelles. Parmi ses acquisitions figurent notamment des biens immobiliers en Floride, témoignant d'un train de vie luxueux financé par l'argent des victimes. Le chalet de Vars, acheté 620 000 euros en 2009, et le véhicule de luxe saisi illustrent également l'enrichissement personnel du condamné.
Ces dépenses somptuaires contrastent cruellement avec la situation financière dramatique dans laquelle se sont retrouvés de nombreux investisseurs, parfois ruinés par cette escroquerie. Certaines victimes avaient placé l'intégralité de leurs économies, croyant aux promesses de rendements exceptionnels.
L'indemnisation des victimes : un processus complexe
Face à l'ampleur du scandale et soucieuse de préserver son image, la Société Générale a pris une décision inhabituelle : l'établissement bancaire, constitué partie civile, a signé 804 protocoles d'indemnisation avec les investisseurs floués. Le montant total de ces indemnisations est estimé entre 22 et 29 millions d'euros.
Pour récupérer ces sommes considérables, la banque s'est ensuite retournée contre Fabrice Denizet dans une procédure civile récursoire, toujours en cours devant le tribunal de Lyon. Cette action en justice vise à obtenir le remboursement des indemnités versées aux victimes.
Dans le cadre de la procédure judiciaire à Marseille, quelque 820 personnes se sont constituées partie civile. La majorité d'entre elles, ayant déjà été indemnisées par la Société Générale dans le cadre des protocoles transactionnels, ne réclament désormais qu'un préjudice moral. Trois audiences dites "sur intérêts civils" ont été programmées pour examiner ces demandes : le 10 mars, le 15 juin et le 14 septembre 2026.
Les excuses du condamné
Lors de l'audience, Fabrice Denizet est apparu diminué par la maladie, s'appuyant sur une canne pour se déplacer. Le sexagénaire a reconnu avoir trompé tout le monde, y compris ses propres commerciaux qui ignoraient la nature frauduleuse du système dans lequel ils travaillaient.
Dans une déclaration empreinte d'émotion, l'ancien courtier a demandé "pardon à toutes les victimes". Ces excuses, bien que tardives, témoignent d'une prise de conscience de la gravité de ses actes et du préjudice considérable causé à des centaines de familles.
Cette affaire rappelle les risques inhérents aux investissements promettant des rendements exceptionnels et souligne l'importance de la vigilance des épargnants. Elle met également en lumière le rôle crucial des organismes de régulation comme l'AMF dans la détection et la prévention des fraudes financières. Le surnom de "Madoff du Var" restera associé à l'une des plus importantes escroqueries financières de la région, servant d'avertissement pour les générations futures d'investisseurs.











