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Les îles Féroé autorisent l'avortement jusqu'à 12 semaines


Le Parlement féringien adopte à 17 voix contre 16 une loi historique sur l'IVG, mettant fin à l'une des législations les plus restrictives d'Europe.

Les îles Féroé autorisent l'avortement jusqu'à 12 semaines

Le Parlement des îles Féroé a franchi un cap historique en adoptant jeudi une législation autorisant l'interruption volontaire de grossesse jusqu'à 12 semaines de gestation. Cette décision marque un tournant majeur pour cet archipel de l'Atlantique nord, qui figurait jusqu'alors parmi les territoires européens les plus restrictifs en matière de droits reproductifs.

Adoptée à une voix près, avec 17 voix pour et 16 contre lors d'une troisième lecture parlementaire, cette loi met fin à des décennies de restrictions sévères et place les îles Féroé dans une dynamique de modernisation législative alignée sur les standards européens.

Un vote historique après des années de mobilisation

Le Logting, nom du Parlement féringien, a voté cette mesure de justesse après des débats intenses et passionnés. L'association militante "Fritt Val" (Libre choix), fer de lance de cette réforme, a immédiatement salué cette victoire sur les réseaux sociaux. "Le Logting vient de donner aux femmes féringiennes le droit de décider elles-mêmes de leur propre corps et de choisir l'avortement jusqu'à la douzième semaine", s'est réjouie l'organisation sur Instagram.

Cette adoption n'était pourtant pas acquise d'avance. Une proposition similaire avait déjà été présentée il y a un an devant le Parlement, mais n'avait pas réussi à obtenir la majorité nécessaire. La marge extrêmement serrée du vote actuel témoigne de la division profonde qui traverse encore la société féringienne sur cette question sensible.

Une législation parmi les plus restrictives d'Europe

Avant cette réforme, les îles Féroé appliquaient l'une des législations les plus strictes du continent européen en matière d'avortement. L'interruption de grossesse n'était autorisée que dans des cas très spécifiques et limités :

  • Lorsque la santé physique ou mentale de la femme était gravement menacée
  • Quand le fœtus présentait des malformations incompatibles avec la vie
  • Dans des situations médicales exceptionnelles validées par des professionnels de santé

Cette restriction plaçait les femmes féringiennes dans une situation particulièrement difficile, les obligeant souvent à se rendre au Danemark continental pour accéder à des services d'IVG, avec les complications logistiques et financières que cela impliquait pour les habitantes de ce territoire autonome danois.

Un archipel aux spécificités démographiques marquées

Les îles Féroé constituent un territoire unique en Europe, composé de 18 îles peuplées par environ 56 000 habitants, nichées dans l'Atlantique nord entre l'Islande et la Norvège. Cet archipel présente des caractéristiques démographiques particulières qui ont alimenté les débats autour de cette réforme.

Le taux de fécondité y est traditionnellement élevé, largement supérieur à la moyenne de l'Union européenne qui s'établit à 1,46 enfant par femme. Jusqu'en 2023, ce taux dépassait régulièrement les deux enfants par femme, avant de connaître une baisse notable pour atteindre 1,8 enfant par femme cette année-là.

Cette particularité démographique a souvent été invoquée par les opposants à la libéralisation de l'avortement, qui y voyaient un argument pour maintenir une législation restrictive. Toutefois, les défenseurs de la réforme ont souligné que le droit des femmes à disposer de leur corps devait primer sur les considérations démographiques.

Le contexte européen du droit à l'avortement

Avec cette nouvelle législation, les îles Féroé rejoignent la majorité des pays européens qui autorisent l'IVG dans des conditions relativement accessibles. En Europe, l'interdiction totale de l'avortement est désormais une exception rare qui ne concerne plus que deux micro-États :

  • Andorre, principauté pyrénéenne
  • Le Vatican, cité-État enclavée en Italie

D'autres pays ont récemment connu des évolutions législatives contrastées. À Malte, où les IVG étaient totalement interdites, une autorisation a minima a été votée en juin 2023, permettant l'interruption de grossesse uniquement en cas de danger pour la vie de la mère ou lorsque le fœtus n'est pas viable.

À l'inverse, la Pologne a connu une régression majeure, avec une forte restriction du droit à l'avortement en 2023, provoquant des manifestations massives et une vive controverse internationale. Cette situation illustre la fragilité des acquis en matière de droits reproductifs, même dans des pays européens.

Les implications pratiques de cette réforme

L'adoption de cette loi aura des conséquences concrètes immédiates pour les femmes des îles Féroé. Elles pourront désormais accéder à des services d'IVG sur leur territoire, sans avoir à entreprendre le voyage coûteux et complexe vers le Danemark continental.

Cette accessibilité nouvelle devrait également réduire les risques sanitaires associés aux avortements clandestins ou aux délais d'attente prolongés. Les professionnels de santé féringiens devront néanmoins se préparer à mettre en place les infrastructures et protocoles nécessaires pour garantir des services sûrs et de qualité.

La limite de 12 semaines de grossesse correspond à un standard européen répandu, offrant aux femmes un délai raisonnable pour prendre une décision éclairée tout en respectant les considérations médicales et éthiques qui entourent cette question sensible.

Cette réforme législative aux îles Féroé s'inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des droits reproductifs comme composante essentielle des droits humains fondamentaux, même si le vote serré rappelle que ces avancées restent fragiles et nécessitent une vigilance constante de la part des défenseurs des droits des femmes.