Logo webradio media

Le Burkina Faso rétablit la peine de mort six ans après son abolition


Le régime militaire d'Ibrahim Traoré réintroduit la peine capitale pour haute trahison, terrorisme et espionnage, marquant un virage autoritaire.

Le Burkina Faso rétablit la peine de mort six ans après son abolition

Le Burkina Faso franchit un tournant majeur dans sa politique judiciaire et pénale. Le Conseil des ministres a annoncé jeudi la réintroduction de la peine de mort dans le code pénal du pays, six ans après son abolition en 2018. Cette décision marque un changement radical de cap sous le régime militaire du capitaine Ibrahim Traoré, qui dirige le pays depuis septembre 2022.

Cette mesure controversée s'inscrit dans une série de réformes législatives portées par la junte au pouvoir, qui affirme vouloir adapter le système judiciaire aux "aspirations profondes du peuple burkinabè". Le projet de loi doit encore être validé par l'Assemblée législative de transition, une instance créée par les autorités militaires.

Un retour en arrière sur les droits humains

Les infractions concernées par la peine capitale

Le service d'information du gouvernement burkinabè a précisé les contours de cette réforme judiciaire. La peine de mort sera désormais applicable pour plusieurs catégories d'infractions considérées comme particulièrement graves par le régime militaire. Parmi celles-ci figurent notamment la haute trahison, les actes de terrorisme et les actes d'espionnage.

Cette décision intervient dans un contexte sécuritaire particulièrement tendu au Burkina Faso, confronté depuis plusieurs années à une insurrection djihadiste meurtrière qui a fait des milliers de morts et contraint plus de deux millions de personnes à fuir leurs foyers.

Un historique d'abolition sous le régime civil

Selon les données d'Amnesty International, la dernière exécution recensée au Burkina Faso remonte à 1988, soit il y a plus de trois décennies. La peine capitale avait été officiellement abolie en 2018 sous le régime civil du président Roch Marc Christian Kaboré, marquant alors une avancée significative en matière de droits humains pour le pays.

Cette abolition avait été saluée par les organisations internationales de défense des droits de l'homme comme un progrès démocratique important. Le Burkina Faso rejoignait alors le nombre croissant de pays africains ayant renoncé à cette sanction irréversible.

Le virage autoritaire du régime d'Ibrahim Traoré

Le capitaine Ibrahim Traoré a pris le pouvoir en septembre 2022 à la faveur d'un coup d'État militaire, renversant lui-même un autre régime militaire issu d'un précédent putsch quelques mois plus tôt. Depuis son arrivée aux commandes du pays, le jeune officier mène une politique résolument souverainiste et affiche une posture ouvertement hostile à l'Occident.

Le régime burkinabè critique régulièrement certaines "valeurs occidentales" et a procédé à un réalignement diplomatique majeur. Le pays s'est notamment rapproché de nouveaux partenaires internationaux comme la Russie et l'Iran, rompant avec les alliances traditionnelles, notamment avec la France.

La justification officielle du gouvernement

Le ministre burkinabè de la Justice, Edasso Rodrigue Bayala, a défendu cette réforme en expliquant qu'elle s'inscrit "dans la dynamique des réformes globales du secteur pour une justice qui répond aux aspirations profondes du peuple". Cette rhétorique populiste vise à légitimer des mesures qui suscitent l'inquiétude des défenseurs des droits humains.

Les autorités militaires présentent cette modification du code pénal comme une nécessité pour renforcer l'arsenal judiciaire face aux menaces sécuritaires et aux défis auxquels le pays est confronté, notamment le terrorisme qui frappe le territoire depuis plusieurs années.

La pénalisation renforcée de l'homosexualité

Le projet de code pénal ne se limite pas au rétablissement de la peine de mort. Il prévoit également de sanctionner "la promotion et les pratiques homosexuelles et assimilées", selon les termes du gouvernement. Cette disposition constitue un durcissement supplémentaire de la législation sur cette question.

En septembre dernier, le Burkina Faso avait déjà adopté, pour la première fois de son histoire, une loi prévoyant des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison pour les "auteurs de pratiques homosexuelles". Cette nouvelle modification du code pénal semble aller encore plus loin dans la répression des personnes LGBTQ+.

Ces mesures placent le Burkina Faso dans la lignée de plusieurs pays africains qui ont récemment durci leur législation contre l'homosexualité, comme l'Ouganda ou le Ghana, malgré les condamnations internationales et les préoccupations exprimées par les organisations de défense des droits humains.

L'adoption définitive de ce projet de loi par l'Assemblée législative de transition, largement acquise au régime militaire, ne fait guère de doute. Cette réforme marque un recul significatif en matière de droits fondamentaux dans un pays qui s'éloigne progressivement des standards démocratiques internationaux.