Une affaire pour le moins inhabituelle secoue un petit village des Pyrénées-Orientales. Le maire de Formiguères, Philippe Petitqueux, a démissionné de ses fonctions après s'être installé à Tahiti en juillet dernier, tout en continuant à percevoir ses indemnités d'élu pendant plusieurs mois. Cette situation a provoqué un véritable séisme politique dans cette commune de moins de 500 habitants.
L'édile, âgé de 48 ans et spécialisé dans l'installation de parcs d'accrobranche, a quitté la France métropolitaine pour développer une activité similaire en Polynésie française, laissant derrière lui une équipe municipale désemparée et des administrés perplexes face à cette gestion pour le moins atypique de son mandat électif.
Un départ précipité vers la Polynésie française
En juillet dernier, Philippe Petitqueux a pris la décision de s'envoler vers Tahiti avec un objectif professionnel précis : installer un parc d'accrobranche similaire à celui qu'il gérait dans la commune voisine des Angles. Avant son départ, le maire avait pris soin de déléguer la plupart de ses attributions à ses adjoints du conseil municipal, une procédure qui semblait annoncer une absence temporaire.
Cependant, ce qui devait être un voyage d'affaires s'est transformé en installation définitive. Serge Vaills, premier adjoint au maire et âgé de 63 ans, a confirmé que Philippe Petitqueux s'était bel et bien établi à Tahiti, poursuivant son activité entrepreneuriale à plus de 16 000 kilomètres de sa commune.
Une commune pyrénéenne en pleine tourmente
Formiguères, petit village niché dans les Pyrénées-Orientales, compte moins de 500 habitants à l'année selon les données de l'Insee. Cette commune de montagne se retrouve au cœur d'une polémique qui dépasse largement ses frontières géographiques. Le départ de son premier magistrat n'est, selon son premier adjoint, que le dernier dysfonctionnement d'une longue série qui a marqué le mandat.
La situation a créé un dysfonctionnement majeur au sein du conseil municipal et des services municipaux, perturbant le fonctionnement normal de l'administration locale. Les habitants se sont interrogés sur la légitimité d'un maire gérant leur commune depuis l'autre bout du monde.
Le maintien controversé des indemnités d'élu
L'aspect le plus polémique de cette affaire réside dans le fait que Philippe Petitqueux a continué à percevoir ses indemnités de maire malgré son installation à Tahiti. Cette situation a été source de tensions importantes au sein du village, où de nombreux habitants ont contesté cette perception d'argent public par un élu absent physiquement de la commune.
Informé mi-octobre de cette situation inhabituelle, le préfet des Pyrénées-Orientales, Pierre Regnault de la Mothe, a réagi en adressant le 31 octobre un courrier officiel au maire. Dans ce document, il réclamait des "éléments d'éclairage" sur la situation et rappelait qu'un maire durablement empêché d'exercer ses fonctions peut être exclu du bénéfice de ses indemnités.
Face à la pression préfectorale, Philippe Petitqueux affirme avoir renoncé à ses indemnités fin septembre, après avoir assuré une "passation" de pouvoirs avec son équipe en télétravail. Il soutient avoir continué à travailler à distance pour garantir la continuité du service public.
Des accusations de menaces et un climat tendu
Pour justifier son départ, l'ancien maire a évoqué un climat délétère et des menaces. Dans ses déclarations à l'AFP, Philippe Petitqueux a affirmé que lui et ses proches avaient reçu des menaces et que l'opposition municipale, dont faisait partie son premier adjoint, avait pour objectif de le faire démissionner.
"Pour me protéger et protéger les miens, j'ai choisi de partir", a-t-il déclaré, présentant ainsi son exil polynésien comme une fuite nécessaire face à des pressions locales. Ces accusations ont été contestées par son premier adjoint, qui évoque plutôt une série de dysfonctionnements dans la gestion municipale.
Une démission actée par la préfecture
L'épilogue de cette affaire s'est joué mardi lors d'un entretien entre Philippe Petitqueux et le préfet. Au cours de cette rencontre, l'édile a officiellement présenté sa démission, qui a été immédiatement acceptée par le représentant de l'État. Cette information, révélée par le quotidien local L'Indépendant, a été confirmée par la préfecture des Pyrénées-Orientales.
Désormais, la commune de Formiguères doit se tourner vers l'avenir. Selon les procédures légales en vigueur, un nouveau maire devrait être désigné dans les quinze jours par le conseil municipal. Les élus locaux devront voter pour choisir parmi eux celui ou celle qui prendra les rênes de la commune.
Les implications juridiques et politiques
Cette affaire soulève plusieurs questions importantes concernant les obligations des élus locaux :
- La nécessité d'une présence physique effective pour exercer un mandat de maire
- Les limites du télétravail dans l'exercice de fonctions électives
- Les conditions de perception des indemnités d'élu en cas d'absence prolongée
- Le pouvoir de contrôle des préfets sur les élus locaux
- Les procédures de délégation des pouvoirs municipaux
Ce cas particulier pourrait servir de jurisprudence pour d'autres situations similaires et rappelle que les fonctions électives comportent des obligations de présence et de disponibilité envers les administrés. Le rôle de maire ne peut se résumer à une simple fonction administrative gérable à distance, mais implique une présence sur le terrain et une proximité avec la population.
Pour les habitants de Formiguères, cette page mouvementée se tourne enfin, laissant place à l'espoir d'un retour à une gestion municipale plus conventionnelle et plus proche des préoccupations quotidiennes de cette commune de montagne des Pyrénées-Orientales.
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