Abou Mohammad al-Jolani, le chef islamiste de la coalition rebelle à l’origine d’une offensive fulgurante en Syrie qui a provoqué la chute, dimanche, du président Bachar al-Assad, est passé d’un vocabulaire fondamentaliste à une parole qui se veut modérée pour parvenir à ses fins.
Le leader de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche d’al-Qaïda en Syrie, s’était fixé comme objectif de renverser le président Assad, au pouvoir depuis 2000. Dimanche, les rebelles sont entrés dans la capitale et ont proclamé «la ville de Damas libre».
Un visage modéré qui ne convainc guère
Transformation de l'image
Abou Mohammad al-Jolani a abandonné progressivement le turban des jihadistes pour un uniforme militaire, ou même un costume civil. Depuis la rupture avec al-Qaïda en 2016, il tente de lisser son image et de présenter un visage plus modéré, sans trop convaincre les analystes ou les chancelleries occidentales qui classent HTS dans les groupes terroristes.
Parcours jihadiste
D’après le site Middle East Eye, c’est après les attentats du 11-septembre que «les premiers signes de jihadisme» apparaissent dans la vie de Jolani. Après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, il part combattre dans ce pays où il rejoint le groupe al-Qaïda, avant d’être emprisonné cinq ans.
Au début de la révolte contre Bachar al-Assad en 2011, il revient en Syrie pour y fonder le Front al-Nosra, qui deviendra HTS. Deux ans plus tard, il choisit de rallier al-Qaïda, plutôt que le futur groupe Etat islamique (EI).
Stratégie pragmatique
Réaliste selon ses partisans, opportuniste selon ses adversaires, il affirme en 2015 ne pas avoir l’intention de lancer des attaques contre l’Occident, contrairement au groupe EI.
«C’est un radical pragmatique», résume Thomas Pierret, un spécialiste de l’islamisme en Syrie, qui souligne que Jolani a été «au sommet de sa radicalité» en 2014, pour s’imposer face à la frange radicale de la rébellion avant de modérer ses propos. Lorsqu’il rompt avec al-Qaïda, il dit le faire pour «ôter les prétextes de la communauté internationale» d’attaquer son organisation. Depuis, il poursuit «son chemin d’homme d’Etat en devenir», explique ce chercheur au CNRS.
Rassurer les habitants
Après l’offensive, Abou Mohammed al-Jolani a cherché à rassurer les habitants d’Alep, ville qui compte une importante communauté chrétienne. Et il a appelé ses combattants à préserver «la sécurité dans les régions libérées».
«Moins les Syriens et la communauté internationale auront peur, plus Jolani apparaîtra comme un acteur responsable et non un extrémiste jihadiste toxique, et plus sa tâche sera facile», assure Aron Lund, chercheur et analyste du Moyen-Orient à l'Agence suédoise de recherche sur la défense, qui y voit une manoeuvre politique.
Propos «certainement pas sincères»
«Est-ce totalement sincère? Certainement pas. Ce type vient d’une tradition fondamentaliste religieuse très dure. Mais ce qu’il fait, c’est la chose intelligente à dire et à faire en ce moment», conclut Aron Lund.