Au dernier jour du procès du frère et des amis d’enfance de Paul Pogba, les plaidoiries de la défense se sont succédé jeudi avec des critiques virulentes envers l’enquête, près de trois ans après la séquestration du footballeur en vue d’une extorsion d’argent.
«Les éléments apportés par le parquet ne sont pas suffisants pour entrer en voie de condamnation, je vous demande la relaxe», ont déclaré tour à tour les avocats de la défense. Tous sont remontés après les réquisitions selon eux «très sévères» du parquet, qui a demandé mercredi des peines allant jusqu’à huit ans de prison.
Instruction à charge dénoncée
Les six prévenus, le frère de Paul Pogba et cinq amis d’enfance, sont jugés pour leur implication dans ce que l’on a qualifié d’«affaire Pogba»: du chantage, des pressions et en point d’orgue une séquestration en mars 2022, sous la menace d’armes à feu, dans le but de soutirer 13 millions d’euros au milieu de terrain, qui évoluait à l’époque des faits à Manchester United puis à la Juventus Turin.
Critiques de l'enquête
«J’ai l’impression qu’on est dans un Cluedo inversé», commence Me Karim Morand-Lahouzi, avocat d’Adama C. «Au lieu de demander à chacun de mettre dans l’enveloppe le nom du coupable, l’arme et le lieu, on nous a dit d’entrée de jeu: c’est le colonel Moutarde avec un chandelier dans la bibliothèque».
Une introduction imagée pour dénoncer «une instruction à charge», selon les termes de l’avocat.
«Tous les éléments disculpant les prévenus sont balayés», renchérit la défense de Mamadou M., accusant cette fois le parquet d’avoir «imaginé un scénario de film d’action». «Mais tout ça est très romancé», sourit Me Steve Ruben.
Absence de preuves
Pour la défense, la figure de Paul Pogba, «victime incontestée», aurait motivé des résultats rapides de la part des enquêteurs.
«Sauf qu’on a confondu vitesse et précipitation», estime Me Morand-Lahouazi, dénonçant des absences d’actes comme les analyses de relais téléphoniques, des relevés de compte, des caméras de vidéosurveillance.
«Ce n’est pas parce qu’on est noir et qu’on vient de la Renardière (ndlr: le quartier de Roissy-en-Brie où ont grandi les Pogba) qu’on est forcément coupable!», s’emporte Me Saïd Harir, avocat de Boubacar C., à l’adresse des procureures.
Questionnement sur l'absence de Pogba
Egalement au cœur des plaidoiries: l’absence de Paul Pogba, principale partie civile.
«Il nous a beaucoup manqué à l’audience», souligne Me Ruben. «Oui, on a lu ses déclarations mais on aurait aimé avoir des réponses à nos interrogations parce qu’il a eu des propos évolutifs», explique l’avocat.
Le footballeur avait fait savoir au premier jour des débats qu’il ne souhaitait pas se présenter à l’audience.
«C’est son droit, évidemment. Mais il est difficile de désigner les coupables quand on ne vient pas répondre aux questions!», poursuit l’avocat d’Adama C. en se tournant vers la conseil du champion du monde.
«On a jeté en pâture les amis d’enfance, on ne va pas trop chercher, parce que si Paul le dit c’est que c’est vrai...», conclut l’avocat.
Relation entre Pogba et ses amis
«Comment pouvons-nous faire abstraction de la relation entre mon client et Paul Pogba?», interroge Me Harir, l’avocat de Boubacar C., l’un des plus proches amis du footballeur.
Selon lui, l’accusation s’est trop focalisée sur les questions d’argent, les dons, nombreux, de l’ancien international envers ses amis du quartier, «ses frères de cœur».
«Il faut imaginer. On est dans un de ces grands ensembles de l’Île-de-France, la Renardière, dans un contexte modeste, voire la misère», rappelle l’avocat.
Un quartier de Seine-et-Marne où Paul Pogba a grandi aux côtés de ses amis, «ses frérots», qu’il a régulièrement et sans contrainte aidés depuis qu’il a commencé à gagner beaucoup d’argent.
Au bénéfice du doute
Les avocats de la défense ont conclu leur plaidoirie par une demande de relaxe «au bénéfice du doute». Sauf pour Roushdane K., considéré par le parquet comme le cerveau de l’opération et dont le conseil a demandé une peine en deçà des réquisitions.