Donald Trump menace d’imposer des droits de douane prohibitifs aux nations qui chercheraient à encourager des alternatives au dollar, même si l’hégémonie du billet vert n’apparaît pas menacée à moyen terme.
Le président américain élu a réclamé aux pays émergents l’engagement de «ne pas créer une nouvelle monnaie des BRICS» ou de «soutenir une autre devise pour remplacer le puissant dollar américain», faute de quoi ils s’exposeront à des tarifs douaniers de 100%. Il faisait référence à un groupe d’économies émergentes (BRICS) qui comprend notamment la Russie, la Chine et l’Inde.
Le dollar, une monnaie dominante mais contestée
La domination du dollar dans le monde
Le «greenback», l’un des surnoms de la monnaie des Etats-Unis, pèse encore 58% des réserves mondiales de devises, selon le Fonds monétaire international (FMI), même si cette proportion s’est contractée par rapport aux 67% de 2000. Toujours selon le FMI, les factures à l’export libellées en dollars représentent 74% du total en région Asie/Pacifique, la plus dynamique en termes de commerce international.
Le billet vert conserve une bonne partie de l’avantage créé par les accords de Bretton Woods (1944), qui ont posé les bases du système monétaire international moderne, beaucoup de pays choisissant à cette occasion d’arrimer leur monnaie au dollar. Les contours de ce système ont évolué et beaucoup ont renoncé depuis à l’indexation sur le billet vert, sans que cela ne remette en cause sa place centrale pour autant.
Les fondements de la puissance du dollar
Il s’appuie aussi sur le statut des Etats-Unis en tant que premier consommateur mondial de biens et services ainsi que sur la quantité massive de dette du gouvernement américain détenue par des investisseurs étrangers, soit un peu plus de 8000 milliards de dollars. Les déficits chroniques des Etats-Unis et cette dette colossale n’ont, pour l’instant, pas entamé la confiance des investisseurs dans le dollar, pas plus que la crise financière de 2008.
«Le dollar n’a rien perdu de son caractère dominant comme devise de financement, de paiement pour les transactions internationales et comme monnaie de réserve», affirme Eswar Prasad professeur à l’université Cornell. «Sans le dollar comme monnaie de référence, le système d’échanges multilatéral cesserait d’exister, ce qui rendrait l’économie mondiale bien moins efficiente», estime Benn Steil, du centre de réflexion Council on Foreign Relations.
Les BRICS et l'intégration monétaire
La sortie de Donald Trump intervient un peu plus d’un mois après un sommet à Kazan (Russie), lors duquel les BRICS ont notamment plaidé pour un développement des échanges en monnaie locale par les pays membres. «Les BRICS aujourd’hui pourraient éventuellement être comparés à ce qu’était l’Europe dans les années 70 en termes d’intégration, et encore, c’est optimiste», relativise Adam Button, de ForexLive.
Les transactions en devises locales ont augmenté ces dernières années, principalement entre la Russie et la Chine du fait des sanctions dont est l’objet la première, mais il n’existe pas de projet officiel de monnaie commune ou même de zone monétaire unifiée. «Je ne suis pas sûr qu’un de ces pays soit prêt à renoncer à sa souveraineté monétaire», tempère Adam Button. Quant aux monnaies des deux pays les plus peuplés du monde, le yuan chinois et la roupie indienne, elles demeurent très peu utilisées hors de leurs frontières.
L'influence du dollar sur l'économie mondiale
Dans sa communication, Donald Trump n’a pas mentionné l’euro, qui n’a pas de visée expansionniste et dont la première ambition reste de faciliter les échanges au sein de l’Europe.
L’influence du dollar rend beaucoup de pays du monde dépendant de ses variations. Lorsqu’il est fort, comme actuellement, il peut favoriser l’inflation, provoquer des fuites de capitaux et contraindre les banques centrales des nations concernées à pratiquer des taux élevés, toutes choses qui peuvent saper une économie. En outre, «les Etats-Unis ont utilisé le statut du dollar contre leurs rivaux par le biais de sanctions financières ou le gel de réserves», fait valoir Eswar Prasad.
Les limites des menaces de Trump
«Malgré les fanfaronnades de Trump, vous ne pouvez pas forcer les gens à utiliser le dollar», prévient Jonathan Kirshner, professeur de sciences politiques à l’université Boston College. «Une devise internationale s’étend parce que les gens ‹veulent› en détenir. La contrainte ne fonctionne pas.»
Le dollar perd-il de son influence?
La question de savoir si le dollar perd de son influence est complexe. Bien que sa part dans les réserves mondiales ait diminué, il reste la monnaie de référence pour les transactions internationales. Les pays émergents cherchent à diversifier leurs réserves et à promouvoir leurs propres monnaies, mais le dollar reste incontournable.
Est-il menacé?
Pour l’instant, le dollar ne semble pas menacé à court ou moyen terme. Les alternatives comme le yuan chinois ou la roupie indienne ne sont pas encore assez développées pour le remplacer. Cependant, les tensions géopolitiques et les politiques protectionnistes pourraient influencer sa position à long terme.
Pourquoi vouloir s’en affranchir?
Les pays cherchent à s’affranchir du dollar pour plusieurs raisons, notamment pour échapper à l’influence américaine et aux sanctions économiques. L’utilisation de leur propre monnaie leur permettrait de renforcer leur souveraineté économique et de stabiliser leurs économies.
Les menaces de Trump peuvent-elles fonctionner?
Les menaces de Trump de imposer des droits de douane prohibitifs pourraient avoir un impact à court terme, mais elles sont peu susceptibles de changer fondamentalement la dynamique monétaire mondiale. La confiance dans une monnaie ne peut pas être imposée par la force.
En conclusion, bien que le dollar reste la monnaie dominante, les tensions géopolitiques et les efforts des pays émergents pour promouvoir leurs propres monnaies pourraient influencer sa position à long terme. Les menaces de Trump, bien que spectaculaires, sont peu susceptibles de changer cette dynamique de manière significative.