Des avions vieillissants immobilisés pour maintenance et des nouvelles commandes retardées: alors que les feux de forêt gagnent en intensité avec le changement climatique, la flotte aérienne française de lutte contre les incendies tarde à se renouveler.
Lors de l’incendie aux abords de Narbonne, dans le sud-ouest de la France, quatre Canadair étaient mobilisés quand le feu s’est déclenché et a finalement parcouru 2'100 hectares. Selon le colonel Christophe Magny, commandant des Services départementaux d’incendie de secours de l’Aude, l'absence de la flotte les jours suivants s’explique notamment par la «doctrine nationale»: «priorité au feu naissant», afin de pouvoir «inscrire dans le temps» la disponibilité de la flotte aérienne.
Une flotte inadaptée aux défis actuels
Des avions vieillissants et coûteux à maintenir
D’après un rapport parlementaire, «la flotte n’est plus adaptée aux besoins, lesquels augmentent fortement sous l’effet du réchauffement climatique», qui accroît le risque d'incendies de forêt. En outre, les douze Canadair de la Sécurité civile ont une moyenne d’âge de 30 ans.
Peu de pièces détachées sont disponibles «au niveau mondial», et «aucun appareil n’a été construit depuis 2015» par l’entreprise canadienne qui a conçu ce bombardier d’eau à la fin des années 1960. Du fait de leur ancienneté, ces avions «coûtent de plus en plus cher à la maintenance» et restent au sol «plus longtemps», explique Mickaël Biberon, président du syndicat Unsa pompiers.
Appel à un effort financier pour renouveler la flotte
Mickaël Biberon appelle à «un vrai effort financier» pour une commande d’appareils permettant d’assurer la «protection de nos forêts, de notre population» et que les pompiers puissent «intervenir sereinement et en toute sécurité».
«Des incertitudes pèsent sur la capacité de relance de la production de nouveaux appareils et le respect de leur calendrier de livraison» par la firme canadienne De Havilland, la seule à fabriquer les Canadair.
Renouvellement nécessaire des Beechcraft
Autres appareils à renouveler: les Beechcraft, ces avions qui effectuent des missions de reconnaissance et dont la moyenne d’âge de 45 ans «rend nécessaire» leur «remplacement rapide» qui doit être «anticipé dès à présent».
Si ces bombardiers d’eau sont «particulièrement adaptés» pour attaquer les feux naissants, ils doivent se recharger au sol, limitant «leur emploi tactique sur certains feux», note le rapport.
Nouvelles commandes et défis de production
«On a, il y a deux ans, commandé deux nouveaux Canadair et je souhaite qu’on puisse en commander deux nouveaux», a annoncé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Ces deux avions doivent être livrés en 2028.
Mais le Canada pourrait privilégier sa demande nationale et celle des Etats-Unis à l'Europe, le continent nord-américain étant régulièrement touché par des feux massifs.
Vers une industrie européenne des bombardiers d’eau
Plusieurs députés préconisent de créer une industrie européenne pour construire des bombardiers d’eau. En France, des initiatives tentent de développer des avions construits sur le sol européen.
Près de Bordeaux, une start-up prévoit notamment de sortir deux prototypes en 2029 de bombardier d’eau amphibie «nouvelle génération», et espère en fabriquer dix par an à partir de 2035.
L'Europe souhaite plus d'indépendance
La dépendance envers les fournisseurs étrangers pour les Canadair et autres appareils de lutte contre les incendies pousse l'Europe à envisager des solutions locales. La création d'une industrie européenne pourrait non seulement répondre aux besoins croissants en matière de lutte contre les feux de forêt, mais aussi assurer une plus grande autonomie et réactivité face aux défis climatiques.
En conclusion, la situation actuelle de la flotte aérienne française de lutte contre les incendies souligne l'urgence de moderniser et de renouveler les équipements. Les initiatives européennes pour développer une industrie locale de bombardiers d’eau représentent une étape cruciale vers une meilleure préparation face aux incendies de forêt, de plus en plus fréquents et intenses avec le réchauffement climatique.