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La justice turque menace de destituer le leader du CHP Özgür Özel


Le tribunal d'Ankara pourrait invalider le congrès du CHP pour fraude, entraînant la destitution d'Özgür Özel et le retour de Kemal Kiliçdaroglu.

La justice turque menace de destituer le leader du CHP Özgür Özel

La justice turque pourrait invalider le congrès du CHP, principal parti d’opposition, et destituer son leader Özgür Özel. Lors d’une audience lundi, le tribunal d’Ankara pourrait déclarer «la nullité absolue» du congrès du CHP (Parti républicain du peuple, social démocrate) pour «fraude», destituant ainsi Özgür Özel, le leader actuel du parti élu lors de ce rassemblement en novembre 2023.

Une enquête avait été ouverte en février 2025 sur des allégations de corruption lors du congrès où des délégués auraient voté pour la nouvelle direction en contrepartie des bénéfices, ce que dément le CHP. Plusieurs figures du CHP, dont le maire d’Istanbul emprisonné Ekrem Imamoglu, risquent jusqu’à trois ans de prison et une interdiction politique pour «fraude», selon les médias turcs.

Une opposition sous pression

La menace de la nullité du congrès

En cas de «nullité absolue» du congrès, le leadership du CHP pourrait alors revenir à l’ancien président Kemal Kiliçdaroglu, remplacé par Özgür Özel après avoir perdu les présidentielles de 2023 face au président Recep Tayyip Erdogan. «Il s’agit d’une tentative de redessiner le CHP et de créer une opposition contrôlée par un gouvernement de plus en plus autoritaire», estime Berk Esen, professeur de Sciences politiques à l’université Sabanci d’Istanbul.

«Cela provoquera une division au sein du parti, en mettant en poste un leader faible, défait, et dont l’électorat ne veut plus», ajoute-t-il. M. Kilicdaroglu a affirmé être prêt à revenir à la tête du CHP par la décision de justice, provoquant un tollé au sein du parti.

Réactions et tensions internes

«Il est hors de question de ne pas reconnaître un verdict. Serait-il mieux si un administrateur était nommé à la tête du parti?", a-t-il lancé, affirmant par la même occasion qu’il désapprouvait les manifestations organisées par le CHP après l’arrestation du maire d’Istanbul.

«J’éprouve un profond sentiment de trahison. Je ne peux tolérer ces propos alors que tant de personnes sont en prison», a réagi le maire emprisonné d’Istanbul Ekrem Imamoglu. «M. Kilicdaroglu est un politicien qui laissera un très mauvais souvenir. Certains l’accusent de travailler pour l’AKP au pouvoir. Je pense plutôt qu’il a une ambition sans limite. Il collabore avec un pouvoir autoritaire pour restaurer son règne», déplore Berk Esen.

Le rôle d'Özgür Özel

Orateur et tribun efficace, le leader actuel du CHP Özgür Özel est depuis devenu la figure de proue de l’opposition turque, rompant avec son prédécesseur. M. Özel a entraîné des dizaines de milliers de gens dans les rues d’Istanbul, d’Ankara, la capitale, et de nombreuses villes du pays, s’attirant les foudres du pouvoir. Sous sa direction, le CHP est également arrivé en tête des élections municipales de 2024, avec 37,8% des votes.

«Le retrait du CHP de la rue est crucial du point de vue du gouvernement. La performance de M. Özel est considéré comme un danger», estime Eren Aksoyoglu, expert en communication politique. «M. Kilicdaroglu au contraire donne des messages conciliants envers le pouvoir, affirmant qu’il ne veut plus des manifestations et qu’il est prêt à négocier un changement de constitution», ajoute-t-il.

Implications politiques

Une opposition plus conciliante assurerait à M. Erdogan un champ de manœuvre plus large dans le processus de paix en cours avec le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) ainsi que pour changer la constitution dans l’espoir de se présenter une troisième fois aux présidentielles, notent les observateurs.

Le chef de l’Etat turc a besoin de l’opposition pour changer la constitution, car, même avec le parti de son allié Devlet Bahceli, il reste en dessous du seuil de 400 députés nécessaires pour un changement direct au parlement et de 360 pour le soumettre à un référendum.

Conclusion

La situation actuelle du CHP illustre les défis auxquels est confrontée l’opposition turque dans un contexte politique de plus en plus tendu. La décision imminente du tribunal d’Ankara pourrait avoir des répercussions majeures non seulement sur le leadership du parti, mais aussi sur l’équilibre des pouvoirs en Turquie.