La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour un contrôle d’identité discriminatoire jeudi. Karim Touil, qui avait subi trois contrôles d’identité en l’espace de dix jours en 2011, a obtenu gain de cause devant la justice. Dans son arrêt rendu jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme relève qu’il n’a pas été apporté de «justification objective et raisonnable» de viser M. Touil pour aucun des trois contrôles.
La France est par conséquent condamnée pour violation de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, relative à l’interdiction de la discrimination, combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). L’État doit verser 3 000 euros à M. Touil pour dommage moral.
Un long combat judiciaire pour dénoncer les contrôles au faciès
Les autres requérants et leurs démarches judiciaires
En revanche, la cour a jugé que les contrôles subis par les cinq autres requérants n’ont pas été effectués pour des motifs discriminatoires. C’est l’épilogue d’un long combat judiciaire pour ces six Français, d’origine africaine ou nord-africaine et résidant à Roubaix, Marseille, Vaulx-en-Velin, Saint-Ouen et Besançon. Tous dénonçaient des «contrôles au faciès», subis en 2011 et 2012.
Ces six requérants font partie d’un groupe de 13 hommes qui s’étaient lancés dans un combat judiciaire, dénonçant des contrôles injustifiés, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement. Après avoir perdu en première instance en 2013, les plaignants avaient fait appel et en 2015, la cour d’appel de Paris avait donné raison à cinq d’entre eux, condamnant l’État à verser 1 500 euros de dommages et intérêts à chacun.
Une première historique en 2016
En 2016, la Cour de cassation avait définitivement condamné l’État dans trois dossiers, une première historique. Six hommes qui n’avaient pas obtenu gain de cause avaient décidé de porter l’affaire devant la CEDH.
Augmentation des contrôles d’identité entre 2016 et 2024
La proportion de personnes ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité a fortement augmenté entre 2016 et 2024, selon une enquête du Défenseur des droits (DDD) dévoilée mardi, pour laquelle 5 030 personnes ont été interrogées.
Les hommes jeunes et perçus comme arabes, noirs ou maghrébins ont quatre fois plus de risques de faire l’objet d’au moins un contrôle d’identité que le reste de la population et 12 fois plus de risques d’avoir un contrôle poussé (fouille, palpation, ordre de partir), révèle cette enquête. Plus d’une personne sur deux (52%) déclare ne pas avoir reçu de justification du contrôle et 19% des personnes contrôlées évoquent des comportements inappropriés de la part des forces de l’ordre lors du contrôle (tutoiements, insultes, provocations, brutalité).
Quatre fois plus contrôlé si on est noir ou maghrébin
- Les hommes jeunes et perçus comme arabes, noirs ou maghrébins ont quatre fois plus de risques de faire l’objet d’au moins un contrôle d’identité.
- 12 fois plus de risques d’avoir un contrôle poussé (fouille, palpation, ordre de partir).
- Plus d’une personne sur deux (52%) déclare ne pas avoir reçu de justification du contrôle.
- 19% des personnes contrôlées évoquent des comportements inappropriés de la part des forces de l’ordre.
Cette condamnation de la France par la CEDH marque un tournant important dans la lutte contre les contrôles d’identité discriminatoires et pourrait avoir des répercussions significatives sur les pratiques des forces de l’ordre dans le pays.