Les orques détachent des tiges d’algues brunes géantes et s’en servent pour se masser mutuellement, un comportement qui constituerait la première observation de fabrication d’outils par des mammifères marins, selon une étude publiée hier.
Des cétacés (dauphins, orques, baleines) ont certes déjà été observés en train d’utiliser des «outils» pour chasser leurs proies. Mais cette nouvelle découverte, publiée par la revue scientifique «Current Biology», est d’un autre ordre, car des orques ont été vues en train de sélectionner et de tailler des tiges d’algues brunes géantes. Cette tige est ensuite utilisée en binôme par deux orques, qui la font rouler sur leurs corps pendant un temps prolongé.
Une découverte révolutionnaire grâce aux drones
Observations précises et répétées
Les scientifiques du Center for Whale Research (CWR) et de l’Université d’Exeter (Angleterre) ont observé ce comportement à plusieurs reprises et dans toutes les classes d’âge d’une population peuplant la mer des Salish, entre l’État de Washington, au nord-ouest des États-Unis, et la grande île de Vancouver, au Canada. Cette observation a été rendue possible grâce à la précision d’images de drone réalisées sur une population d’orques pourtant étudiée depuis cinquante ans.
Fabrication d’outils par les orques
Les orques ne se contentent pas «de trouver un morceau d’algue et de l’utiliser», mais «le modifient pour en faire quelque chose de vraiment différent», a souligné Michael Weiss, directeur de la recherche au CWR. «C’est pourquoi nous disons qu’ils fabriquent ou façonnent un outil.» Cette pratique pourrait avoir un rôle pour l’atténuation du stress, les relations sociales ou pour la bonne santé de la peau de ces cétacés, avancent les chercheurs.
Caractéristiques des algues utilisées
Ferme et flexible, la tige de ces algues est «comme un tuyau d’arrosage rempli, avec une surface extérieure glissante», des caractéristiques qui «en font un outil de toilettage idéal», selon Michael Weiss. Ce type de pratique est «très rare» chez les animaux, qui utilisent les outils principalement pour la quête de nourriture, selon Darren Croft, professeur à l’Université d’Exeter. Dans le cas des orques, «il peut s’agir d’un problème de santé ou lié à la peau, mais il semble très probable que cela soit lié à un défi social, à un besoin d’avoir des interactions sociales intenses et significatives», a-t-il expliqué.
Un trait culturel unique et menacé
Dans leur papier, les scientifiques font l’hypothèse qu’il s’agit d’un trait culturel «unique» de cette population d’orques, dites «Résidentes du Sud», dont il ne restait plus que 73 individus en juillet 2024. Ces cétacés sont menacés par la disparition de leurs proies et la pollution, tandis que les champs d’algues brunes où ils fabriquent leurs outils sont en déclin à cause du réchauffement climatique. «Bien qu’il y ait des milliers et des milliers d’orques dans le monde», il s’agit de protéger une «société unique», «un ensemble unique de comportements et d’interactions écologiques», conclut Michael Weiss, en soulignant que l’avenir de cette population était «très sombre». (afp-ftr)
Les défis à venir
Les orques de la mer des Salish font face à plusieurs défis majeurs :
- Disparition de leurs proies
- Pollution marine
- Déclin des champs d’algues brunes à cause du réchauffement climatique
Ces facteurs mettent en péril non seulement la survie de cette population unique, mais aussi la préservation de leurs comportements et interactions écologiques distinctifs.