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Ramadan Nishori brise le silence sur son viol pendant la guerre du Kosovo


Ramadan Nishori, 48 ans, devient le premier Kosovar à témoigner publiquement des violences sexuelles subies durant le conflit de 1998-1999.

Ramadan Nishori brise le silence sur son viol pendant la guerre du Kosovo

Ramadan Nishori a gardé enfoui pendant 26 ans un secret dévastateur. Aujourd'hui, il devient le premier Kosovar à briser le silence en reconnaissant publiquement avoir été violé pendant la guerre de 1998/1999. Son témoignage bouleversant met en lumière les horreurs vécues par de nombreuses victimes de crimes sexuels durant ce conflit sanglant.

La guerre entre la rébellion albanaise et les forces armées serbes, qui a fait environ 13'000 morts, principalement du côté albanais, a laissé des cicatrices profondes. Parmi ces cicatrices, les viols et autres formes de violences sexuelles étaient généralisés et systématiques, selon Amnesty International. Bien que le nombre exact de victimes soit inconnu, plusieurs estimations gouvernementales suggèrent qu'environ 20'000 personnes ont été violées par les forces serbes.

Un témoignage courageux dans une société patriarcale

Le silence brisé

Ramadan Nishori, 48 ans, est le premier homme au Kosovo à prendre la parole pour dénoncer les violences sexuelles subies pendant la guerre. «Cela n'a pas été une décision facile», confie-t-il à l'AFP. Le soutien de sa famille et un suivi psychologique ont été déterminants dans sa prise de parole.

En septembre 1998, Ramadan Nishori a été arrêté par les Serbes et emmené au poste de police de Drenas. Interrogé toute la nuit sur ses liens supposés avec la guérilla, il a été violé par un policier serbe. «Quand ce fut mon tour, vers minuit, deux policiers m'ont emmené aux toilettes, et l'un d'eux m'a violé», raconte-t-il, la voix lourde.

Le stigmate social

Dans la société kosovare, le viol est souvent perçu comme une violation de l'honneur familial plutôt que comme une atteinte à l'intégrité physique des personnes. Veprore Shehu, de l'ONG Medica Kosova, explique que cette perception rend difficile pour les victimes de prendre la parole.

Le directeur du Centre de droit humanitaire souligne que les victimes de viol en temps de guerre sont encore stigmatisées au Kosovo. «Être victime de viol en temps de guerre est synonyme d'un stigmate profondément ancré dans la société», affirme-t-il.

Les viols comme arme de guerre

Les viols et les agressions sexuelles pendant la guerre ont été en grande majorité perpétrés par les forces serbes, qui les ont utilisés comme une arme de guerre pour semer la terreur. «Les viols commis par la police, les paramilitaires et les forces armées étaient presque une routine», écrit Amnesty International dans un rapport de 2017.

Un déserteur de l'armée serbe a même affirmé que «violer était devenu aussi normal que de prendre une douche ou son petit-déjeuner». En septembre 2023, un tribunal de Pristina a condamné à 15 ans de prison un Serbe du Kosovo pour viol de guerre, la deuxième condamnation seulement pour ce type de crime depuis la fin du conflit.

Le soutien familial et les associations

Le soutien de la famille de Ramadan Nishori a été crucial dans sa décision de parler. Sa fille aînée, Flutura, a tout fait pour que son histoire soit entendue. «Ce qui est arrivé à mon père doit être révélé, pour montrer que les hommes aussi ont été victimes de violence sexuelle», explique cette étudiante en théâtre de 23 ans.

Depuis qu'il a pris la parole publiquement, Ramadan Nishori est reconnu dans la rue. Le plus souvent, on le félicite et on l'invite à prendre un café. «Rien n'a changé au sein de notre famille depuis qu'il a révélé son secret. Ça reste notre père, peut-être juste encore plus fort», ajoute Flutura.

Les démarches gouvernementales

En 2014, le gouvernement kosovar a instauré une loi accordant à chaque victime de violence sexuelle pendant la guerre une pension qui s'élève aujourd'hui à 270 euros par mois, soit environ 100 euros de moins que le salaire minimum. Plus d'une décennie plus tard, quelques centaines de victimes perçoivent cette pension, et Ramadan Nishori sera le premier homme à en bénéficier.

Bien que Ramadan Nishori n'ait pas l'intention d'aller en justice, son témoignage reste un acte de courage et de résilience. Il espère que son histoire pourra aider d'autres victimes à briser le silence et à trouver le soutien dont elles ont besoin.

Le témoignage de Ramadan Nishori est un rappel poignant des horreurs de la guerre et de l'importance de briser le silence sur les violences sexuelles. Son courage ouvre la voie à d'autres victimes pour qu'elles puissent, elles aussi, trouver la force de parler et de guérir.