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Trois personnes jugées pour traite d’êtres humains dans le vignoble champenois


Les prévenus sont accusés d'avoir exploité des travailleurs étrangers lors des vendanges 2023. Les conditions de vie étaient jugées indignes et dangereuses.

Trois personnes jugées pour traite d’êtres humains dans le vignoble champenois

Trois personnes comparaîtront jeudi devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne pour traite d’êtres humains, soupçonnées d’avoir exploité et hébergé dans des conditions indignes une cinquantaine de travailleurs, majoritairement étrangers, lors des vendanges 2023 dans le prestigieux vignoble champenois. Parmi elles, la dirigeante d’Anavim, une société de prestations viticoles, est également poursuivie pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans autorisation de travail salarié, «soumission de personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions d’hébergement indignes» et avec une «rétribution inexistante ou insuffisante».

Un scandale de traite d’êtres humains dans le vignoble champenois

Deux hommes, soupçonnés d’avoir participé au recrutement des vendangeurs, seront jugés à ses côtés, tout comme la société Anavim et une coopérative viticole de la Marne, jugées en tant que personnes morales. C’est un signalement de riverain qui a alerté la gendarmerie sur la situation, a indiqué la procureure Annick Browne lundi, lors d’une conférence de presse. Lors d’un contrôle, les enquêteurs ont constaté des conditions de vie portant «gravement atteinte à la sécurité, à la santé et à la dignité des occupants».

Conditions de vie indignes

Parmi les multiples manquements relevés: «des sanitaires sales et vétustes, des couchages à même le sol ou sur des matelas gonflables», ainsi que des lieux de vie et de restauration «situés à l’extérieur et donc non protégés des intempéries». La procureure a également évoqué une absence de respect «des mesures de sécurité», notamment en matière d’installation électrique. En septembre 2023, la préfecture de la Marne avait ordonné la fermeture de cet hébergement collectif mis à disposition par Anavim à Nesle-le-Repons, en raison de conditions de vie jugées «insalubres» et «indignes».

S’appuyant sur un rapport réalisé par l’inspection du travail, la préfecture relevait des «literies de fortune», «l’état de vétusté», le «délabrement», l’»absence de nettoyage», «l’état répugnant des toilettes, sanitaires et lieux communs», et notait aussi l’existence «d’un risque électrique».

Réactions des victimes et des syndicats

Les prévenus «ont un mépris total pour le respect de la dignité humaine», dénonce Me Maxime Cessieux, avocat des victimes, dont la majorité sont des étrangers en situation irrégulière originaires du Mali, de Mauritanie, de Côte d’Ivoire ou encore du Sénégal. Il estime que «l’exploitant viticole ne peut pas faire semblant qu’il ne savait pas», appelant les maisons de champagne à être «intransigeantes sur (...) les conditions dans lesquelles sont ramassés leurs raisins».

Les donneurs d’ordre et les prestataires «doivent être condamnés conjointement», estime pour sa part José Blanco, de la CGT, partie civile. Le syndicaliste demande également que «les conditions d’hébergement et de rémunération des travailleurs saisonniers soient inscrites dans le cahier des charges de l’AOC Champagne».

«Si un vigneron emploie un prestataire impliqué dans un cas de traite d’êtres humains, alors sa récolte doit être déclassée», estime-t-il. Le procès, initialement prévu en mars, avait été renvoyé à la demande de la défense. Pour la première fois dans un procès sur le sujet des vendangeurs, le Comité Champagne, qui représente 16 200 vignerons, 130 coopératives et 370 maisons de Champagne, est lui aussi partie civile. Il souhaite ainsi «exprimer sa ferme opposition à ces pratiques inacceptables», selon une déclaration de son directeur général, Charles Goemaere, transmise à l’AFP en mars. Les vendanges de 2023 dans la région avaient été émaillées d’incidents.

Conséquences tragiques et mobilisation

Quatre personnes travaillant à la récolte du raisin sont décédées lors d’un mois de septembre particulièrement chaud. Le procès, qui est prévu pour une journée, s’ouvrira à 9h au tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne. Un rassemblement est prévu devant le tribunal à l’appel de la CGT. La Ligue des droits de l’Homme et le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM) se sont également constitués parties civiles. «Il faut attirer l’attention du public sur l’ampleur de la traite des êtres humains dans le monde agricole, montrer aux exploiteurs qu’ils ne sont pas à l’abri de poursuites pénales», estime David Desgranges, vice-président du CCEM. Aussi, il faut «permettre aux victimes de se reconnaître comme telles, souvent elles n’ont pas conscience de leur état d’exploitation».

Mépris de la «dignité humaine»

Le scandale révèle un mépris flagrant de la dignité humaine, avec des conditions de vie et de travail intolérables pour les travailleurs saisonniers. Les autorités et les syndicats appellent à une vigilance accrue et à des sanctions exemplaires pour prévenir de telles pratiques à l'avenir.

Déclassement de la récolte

Les appels pour le déclassement de la récolte des vignerons impliqués dans des cas de traite d’êtres humains montrent une détermination à lutter contre ces pratiques inacceptables. Le Comité Champagne et les syndicats insistent sur la nécessité de garantir des conditions de travail décentes pour tous les travailleurs saisonniers.