L'antenne suisse de la Gaza Humanitarian Foundation, seule entité autorisée par Israël à distribuer de l'aide à Gaza, ne répond plus aux exigences légales. Plus d'adresse, plus de membre établi en Suisse au conseil de fondation, plus d'organe de révision. L'antenne genevoise de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), cette structure mise sur pied par les Etats-Unis et Israël pour délivrer de l'aide alimentaire à Gaza en lieu et place des ONG, pour un résultat à ce jour cataclysmique (des dizaines de Palestiniens ont été tués à proximité des centres de distribution par des tirs israéliens), ne répond plus aux exigences légales.
La fondation est inactive
Pour rappel, GHF avait été inscrite au registre du commerce le 12 février. Trois membres étaient alors annoncés dans son conseil de fondation: un Arménien basé à Londres, un Américain établi aux Etats-Unis et un avocat genevois. Son adresse renvoyait à un immeuble du centre-ville. Son organe de révision était une fiduciaire de la place. L'autorité de surveillance choisie, elle, était le Département fédéral de l'intérieur.
Démission et radiations
Aujourd'hui, ce dernier «part du principe que la fondation n'a pas commencé ses activités en Suisse et est inactive», indique sa porte-parole Emma Brossin. En effet, GHF ne respecte pas ses obligations et se trouve en porte-à-faux avec ses propres statuts: le représentant suisse a démissionné du conseil de fondation avec effet immédiat en date du 7 mai 2025, juste après avoir découvert dans la presse les plans sous-jacents à la création de GHF (soit militariser l'aide alimentaire et la placer sous l'unique égide du gouvernement israélien).
Son nom a été radié du registre du commerce sept jours plus tard, en même temps que l'adresse où avait élu domicile la fondation. Le 23 mai, enfin, c'était l'organe de révision qui disparaissait du registre du commerce. Bref, GHF ne remplit plus les conditions pour être autorisée à poursuivre son activité en Suisse.
Clarifications en cours
Le Département fédéral de l'intérieur indique que l'Autorité fédérale de surveillance des fondations (ASF) «est en contact avec la branche suisse de la Gaza Humanitarian Foundation qui est basée dans le Delaware», aux Etats-Unis. «Elle lui a signalé ses obligations légales et l'a prié de légaliser sa situation. Les clarifications sont en cours.»
Toujours selon Emma Brossin, «le conseil de fondation de GHF doit encore décider formellement des prochaines étapes, dont une liquidation éventuelle de la fondation inscrite au registre du commerce genevois».
Réactions politiques
Le conseiller aux Etats Mauro Poggia, lui, s'est ému de la situation sur les réseaux sociaux, jugeant que GHF avait été créée pour contourner le droit international, puisque «le gouvernement israélien maintient un blocus de la bande de Gaza et en interdit l’accès à toute organisation humanitaire», y compris la Croix-Rouge, en violation des Conventions de Genève. «Pour faire croire néanmoins que le droit international est respecté, Israël et les Etats-Unis ont constitué GHF, dont le financement est totalement occulte, seule autorisée à introduire des vivres à Gaza.»
Il s'interroge donc quant à la curiosité du Département fédéral de l'intérieur. «On ne peut empêcher quelqu'un d'aller chez le notaire et de créer une fondation. Mais il ne faudrait pas que la Suisse devienne le lieu de création de fondations alibis. Si moi, je créais une fondation pour la promotion de la sexualité entre les adultes et les mineurs, on me l'interdirait. Là, on peut se demander si le but de GHF ne contrevient pas au droit supérieur. Peut-être le DFI fait-il quelque chose, mais on l'ignore.»