Jair Bolsonaro aurait évalué la possibilité de décréter l’»état de siège» et de convoquer de nouvelles élections après sa défaite face à Lula en 2022, selon les déclarations de Mauro Cid, un ex-aide de camp de l’ancien président brésilien. Ces révélations ont été faites lors d’une audience retransmise en direct à la télévision, où Cid a été interrogé pendant environ quatre heures devant la Cour suprême.
Bolsonaro, 70 ans, doit également être interrogé cette semaine, ainsi que sept autres co-accusés, incluant d’anciens ministres et des militaires de haut rang. Vêtu d’un costume sombre, l’ex-président s’est assis face à Alexandre de Moraes, le magistrat en charge de ce dossier, considéré comme l’ennemi numéro un du camp Bolsonaro.
Un projet de coup d'État avorté
Accusations graves
Le parquet accuse Bolsonaro d’avoir été le «leader d’une organisation criminelle» ayant comploté pour empêcher le retour au pouvoir du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui l’a battu lors de l’élection de 2022. Selon l’accusation, le projet de coup d’État, qui prévoyait jusqu’à l’assassinat de Lula, n’a pas abouti faute de soutien du haut commandement militaire. Les accusés encourent une peine pouvant aller jusqu’à 40 ans de prison.
Témoignage de Mauro Cid
Mauro Cid, considéré comme un traître par les bolsonaristes pour avoir noué un accord de collaboration avec les autorités, a affirmé que Bolsonaro a «reçu, lu», puis «retouché» un projet de décret prévoyant l’instauration d’un «état de siège», l’»arrestation d’autorités» et la création d’un «conseil électoral» pour réaliser un nouveau scrutin après la présidentielle de 2022 remportée par Lula.
Quand le juge Moraes lui a demandé en quoi ont consisté les retouches, Cid a répondu : «il a retiré des noms d’autorités, faisant en sorte que seulement vous (le juge Moraes) seriez arrêté». Ce à quoi le magistrat a rétorqué, caustique: «les autres ont donc bénéficié d’un habeas corpus», mesure judiciaire permettant de contester une détention considérée comme arbitraire.
Détails supplémentaires
Parfois hésitant dans ses réponses, Mauro Cid a répété à plusieurs reprises «je ne me souviens pas», quand on lui posait des questions sur dates, horaires ou lieux où il aurait été témoin des supposées velléités putschistes de l’ex-président et son entourage. Il a par ailleurs confirmé que l’un des autres accusés, le général Walter Braga Netto, candidat à la vice-présidence sur le ticket de Jair Bolsonaro, lui avait remis de l’argent dans une caisse de vin. Selon les enquêteurs, cet argent était censé financer une opération de militaires des forces spéciales pour assassiner Lula et d’autres autorités.
Procédure judiciaire
Les interrogatoires sont menés au siège de la Cour suprême à Brasilia, un des lieux saccagés le 8 janvier 2023 par des milliers de bolsonaristes réclamant une intervention militaire pour renverser Lula, une semaine après l’investiture de ce dernier. Les audiences pourront s’étendre tout au long de la semaine, sachant que Jair Bolsonaro est le sixième dans l’ordre fixé par la cour.
Même s’il a le droit de garder le silence à la barre, l’ex-président avait assuré jeudi qu’il répondrait «sans aucun problème» aux questions qui lui seront posées. «C’est l’heure de vérité», a-t-il résumé vendredi, durant un événement du Parti Libéral, sa formation politique.
Le verdict ne devrait pas être connu avant plusieurs mois. Après les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense, les cinq juges de la première chambre de la Cour suprême doivent voter pour décider s’ils condamnent ou non les accusés, et, le cas échéant, fixer les peines. «L’histoire du Brésil est en train d’être écrite», résume à l’AFP Marcio Coimbra, directeur du groupe de réflexion Casa Politica.