Depuis des semaines, Donald Trump multiplie les grâces «de manière éhontée». Par cette prérogative présidentielle, il récompense ou suscite les allégeances. Le droit de grâce a toujours été un peu controversé parce que c’est un pouvoir illimité dont dispose le président et la plupart des présidents ont accordé au moins certaines grâces qui ont pu paraître servir leurs propres intérêts, voire douteuses», explique Kermit Roosevelt, professeur de droit à l’Université de Pennsylvanie. Mais Donald Trump exerce ce pouvoir «de manière éhontée, en prononçant des grâces qui ressemblent fort à des contreparties de donations financières», souligne-t-il.
Donald Trump gracie à tour de bras, et cela agace
Des grâces controversées et précoces
Parmi les récents bénéficiaires de la clémence présidentielle figurent ainsi d’importants donateurs de campagne, ou encore un gestionnaire de maisons de retraite condamné à 18 mois de prison pour fraude fiscale, Paul Walczak. La mère de celui-ci avait participé en avril à un dîner à Mar-a-Lago, la résidence de Trump, moyennant un droit d’entrée de 1 million de dollars.
Rompant avec la pratique de ses prédécesseurs, y compris lui-même, Donald Trump «le fait bien plus tôt dans son mandat. Beaucoup de présidents préfèrent accorder les grâces les plus controversées lorsqu’ils sont sur le départ et qu’il ne leur reste plus beaucoup de temps pour en subir les retombées politiques», rappelle Kermit Roosevelt.
Un pouvoir présidentiel utilisé de manière transactionnelle
«Incontestablement, d’autres présidents ont été accusés de se laisser influencer par des facteurs inappropriés dans leurs décisions de grâce», relève Barbara McQuade, ancienne procureure fédérale et professeure de droit à l’Université du Michigan dans une tribune sur Bloomberg. Elle cite ainsi la grâce accordée par Gerald Ford à son prédécesseur Richard Nixon après le scandale du Watergate, celle de Bill Clinton au mari d’une importante donatrice, ou encore de Joe Biden à son fils Hunter.
«Mais Trump est dans une catégorie à part en termes d’ampleur et de culot. Pour lui, les grâces sont simplement une transaction comme une autre à condition que l’accusé puisse fournir quelque chose de valeur en échange», écrit-elle. «Tant que cela peut servir politiquement à Trump ou valider son discours sur un ministère de la Justice voyou sous Biden, le bureau des grâces est ouvert pour les affaires», résume Barbara McQuade. Donald Trump a ainsi gracié deux vedettes de téléréalité multimillionnaires condamnées pour fraude fiscale et bancaire, Todd et Julie Chrisley, après l’intercession de leur fille, Savannah Chrisley.
Des critères de grâce partisans
Dans une lettre ouverte au nouveau directeur des grâces du ministère de la Justice, l’ultraconservateur Ed Martin, l’élu démocrate de la Chambre des représentants Jamie Raskin s’interroge sur les «critères» utilisés pour recommander la clémence présidentielle. Il lui reproche de «promouvoir des grâces pour des personnes qui prêtent politiquement allégeance au président Trump ou ont assez d’argent pour de facto acheter sa clémence».
Ed Martin, par ailleurs directeur d’un tout nouveau «groupe de travail sur l’instrumentalisation de la justice» sous la précédente administration du démocrate Joe Biden, ne fait pas mystère du caractère éminemment partisan de ces largesses. «Aucun MAGA ne sera abandonné», s’est-il ainsi réjoui, commentant sur X la grâce de Scott Jenkins, un shérif de Virginie condamné pour corruption, en référence au mouvement MAGA de Donald Trump.
Des grâces clientélistes
Dans une tribune au «New York Times», Lee Kovarsky, professeur de droit à l’Université du Texas, accuse Trump de pratiquer des «grâces clientélistes», c’est-à-dire de réduire la pénalité pour comportement illégal par allégeance au pouvoir en graciant ostensiblement des alliés politiques». Selon Lee Kovarsky, «le signe distinctif de la grâce clientéliste est l’utilisation de mesures de clémence pour rendre les affidés du régime moins réceptifs à la menace de sanction pénale».
En conclusion, les grâces accordées par Donald Trump soulèvent des questions sur l’usage de ce pouvoir présidentiel. Entre transaction et clientélisme, ces décisions montrent une utilisation politique et partisane de la clémence présidentielle, suscitant des critiques et des interrogations sur les motivations réelles derrière ces actes.