Tim Friede n’avait pas le moral au lendemain des attentats du 11 septembre 2001: c’est ce qui l’a poussé à descendre dans son sous-sol où il s’est laissé mordre par deux des serpents les plus mortels du monde. Quatre jours plus tard, il sortait du coma. «Je sais ce que ça fait de mourir d’une morsure de serpent», déclare l’Américain de 57 ans lors d’un appel vidéo depuis son domicile de Two Rivers (Wisconsin).
Cela aurait pu le dégoûter à vie des serpents, il s’est simplement promis d’être plus prudent à l’avenir. De 2000 à 2018, il s’est laissé mordre par des serpents venimeux à plus de 200 reprises et s’est injecté lui-même leur venin plus de 650 fois. Il s’est infligé ces expériences extrêmement douloureuses pour viser une immunité totale contre leurs morsures, espérant contribuer à mettre au point un meilleur antivenin.
Une quête d'immunité et de science
Les débuts d'une fascination
Friede a longtemps lutté pour être pris au sérieux par les scientifiques. Au bout de 25 ans, des recherches basées sur ses expériences ont paru en mai dans la revue «Cell». Elles montrent que les anticorps de son sang offrent une protection contre de nombreuses morsures de serpents, et leurs auteurs espèrent aujourd’hui que l’hyperimmunité acquise par Tim Friede permettra de mettre au point un antivenin universel. Les antivenins actuels ne fonctionnent que pour un ou quelques-uns des 600 serpents venimeux recensés.
Sa première morsure à l’âge de 5 ans, par une inoffensive couleuvre, reste un souvenir vif. Mais il a alors commencé à ramener des reptiles à la maison. Est née une fascination: il a appris, grâce à un cours, à en extraire leur venin. La méthode de fabrication de l’antivenin n’a guère changé en 125 ans: des petites doses du venin tiré des serpents sont injectées à des chevaux ou des moutons, qui produisent alors des anticorps pouvant être utilisés comme antivenin.
Des expériences extrêmes
Mais celui-ci ne sera efficace que pour une espèce particulière et certains des anticorps pourront provoquer de graves effets secondaires, telles qu’un choc anaphylactique. C’est alors que Tim Friede a décidé de devenir son propre cobaye. Il s’est d’emblée offert aux spécimens les plus venimeux: cobras, taïpans, mambas noirs, serpents à sonnette. «C’est douloureux à chaque fois», confie-t-il.
Longtemps ignoré par les scientifiques, il a finalement été contacté en 2017 par l’immunologiste Jacob Glanville. A la recherche, pour ses travaux, d’un «chercheur sur les serpents maladroit qui aurait été mordu accidentellement à plusieurs reprises», Glanville raconte être tombé sur une vidéo des exploits à hauts risques de Friede.
Des résultats prometteurs
L’antivenin objet des recherches de Glanville parues dans «Cell», comporte deux anticorps provenant du sang de Friede, ainsi qu’un médicament appelé varespladib qui inhibe les toxines. Il a fourni aux souris une protection totale contre 13 des 19 espèces de serpents testées, et partielle pour six autres.
Tout en louant l’étude, Timothy Jackson, de l’Australian Venom Research Unit, s’interroge sur la nécessité d’impliquer un être humain, alors qu’il existe des anticorps synthétiques. L’entreprise Centivax, créée en 2019 par Glanville, développe notamment un antivenin universel qui pourrait être vendu un jour dans un stylo auto-injecteur pré-rempli. Aujourd’hui employé par Centivax, Friede se dit «fier» d’avoir fait progresser la médecine, mais regrette de ne plus pouvoir s’injecter de venin – un éventuel accident serait imputé à l’entreprise.
«Douloureux à chaque fois»
Tim Friede a subi des douleurs intenses à chaque morsure et injection de venin. Sa détermination à atteindre une immunité totale contre les morsures de serpents venimeux a non seulement contribué à la recherche scientifique, mais a également ouvert la voie à de nouvelles possibilités pour le traitement des morsures de serpents.
Exploits à hauts risques
Les exploits de Tim Friede, bien que risqués, ont permis d’avancer dans la recherche sur les antivenins. Ses expériences ont montré que l’hyperimmunité est possible et pourrait être la clé pour développer un antivenin universel. Les résultats de ces recherches pourraient révolutionner le traitement des morsures de serpents venimeux, offrant une protection plus large et plus efficace.
- Tim Friede s'est laissé mordre par des serpents venimeux plus de 200 fois.
- Il s'est injecté du venin plus de 650 fois pour atteindre une immunité totale.
- Ses expériences ont contribué à des recherches publiées dans la revue «Cell».
- Les anticorps de son sang offrent une protection contre de nombreuses morsures de serpents.
- Un antivenin universel est en développement grâce à ses contributions.