La majorité du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est rattrapée par l’épineuse question de la conscription des juifs ultraorthodoxes, qui pourrait faire tomber le gouvernement et provoquer des élections anticipées. «Israël se rapproche des élections», titre jeudi le quotidien ultraorthodoxe Yated Neeman, relayant des propos attribués au rabbin Dov Landau, un des dirigeants spirituels du parti ashkénaze Judaïsme unifié de la Torah (JUT).
«Un gouvernement qui se conduit ainsi envers les étudiants de la Torah, c’est honteux et il faut le faire tomber», ajoute le journal en citant ce rabbin dans une référence à une promesse, non tenue par M. Netanyahu, de faire voter une loi garantissant aux étudiants d’écoles talmudiques qu’ils seront exemptés du service militaire, obligatoire en Israël pour les hommes et les femmes dès l’âge de 18 ans.
La crise politique en Israël
Alliance fragile
Formé en décembre 2022, le gouvernement de M. Netanyahu tient grâce à une alliance entre son parti, le Likoud (droite), des formations d’extrême droite, et des partis juifs ultraorthodoxes résolus à conserver cette exemption de plus en plus mal acceptée par le reste de la société israélienne après presque 20 mois de guerre avec le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza.
Menace de dissolution
M. Netanyahu peut sur le papier se passer du soutien des sept députés du JUT, mais les 11 députés de Shass (parti ultraorthodoxe sépharade) lui feraient perdre sa majorité en quittant la coalition en bloc. Or si le feu couvait depuis plusieurs semaines avec les rabbins de JUT, le Shass menace maintenant de quitter la coalition, comme l’a confirmé à l’AFP une source du parti, lequel exige «une solution avant lundi».
Initiative de loi controversée
Au cœur de la dispute, une initiative de loi portée par le président de la Commission parlementaire de la défense, Yuli Edelstein (Likoud), destinée à multiplier l’enrôlement des «haredim» («craignants Dieu») et à durcir considérablement les sanctions contre les réfractaires. Sentant probablement le vent tourner, le chef de l’opposition Yaïr Lapid, a annoncé mercredi son intention de proposer une loi de dissolution du Parlement «la semaine prochaine», profitant de l’éventuel soutien qu’il pourrait avoir de la part des ultraorthodoxes.
Historique de la question de la conscription
La question de la conscription des ultra-orthodoxes est un serpent de mer de la politique israélienne. En vertu d’un arrangement remontant à la création de l’État d’Israël, en 1948, les hommes haredim ont bénéficié pendant des décennies d’une exemption militaire de facto, à condition qu’ils se consacrent à l’étude à plein temps des textes saints du judaïsme dans des yéshivas (écoles talmudiques).
Mais cette exemption a été remise en cause par la Cour suprême au début du siècle, forçant les gouvernements successifs à bricoler des arrangements législatifs temporaires pour contenter les ultraorthodoxes, faiseurs et tombeurs de gouvernements. Depuis juin 2024, l’exécutif se retrouve sous la pression de la justice pour procéder à l’enrôlement des ultraorthodoxes en l’absence d’une loi garantissant valablement leur exemption.
Dilemme pour Netanyahu
Entre le risque de perdre sa majorité sans loi pérennisant l’exemption des ultraorthodoxes et celui d’une perte de sa base électorale ou d’une fronde au sein du Likoud s’il cède aux «hommes en noir», le Premier ministre est face à «un dilemme». Afin de sauver le gouvernement, M. Netanyahu devra contenter les diverses formations de la coalition sur cette question délicate, exercice politique d’équilibriste dans lequel il est passé maître, mais qui l’a fait chuter en décembre 2018.
La situation politique en Israël reste donc incertaine, avec des élections anticipées qui pourraient être déclenchées à tout moment. La question de la conscription des ultraorthodoxes continue de diviser et de mettre à l'épreuve la fragile coalition gouvernementale.