Des peines de prison allant de quatre mois avec sursis à quatre mois ferme ont été requises mercredi au tribunal correctionnel de Paris au procès de 13 personnes proches de la mouvance identitaire. Ces individus sont accusés d'avoir manifesté leur hostilité à la participation de la chanteuse Aya Nakamura à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 2024. Seuls trois prévenus, dont une ancienne collaboratrice de députés du Rassemblement national (RN), Capucine C., 22 ans, étaient présents à l’audience, qui s’est déroulée sans la présence de la star franco-malienne.
L'absence de la majorité des mis en cause a été expliquée par l'un des avocats des prévenus, Me Mathieu Sassi, comme étant due à «la peur de représailles». Pour la procureure, l’action visant Aya Nakamura avait pour but «d’empêcher cette chanteuse française de participer à la cérémonie» d’ouverture des JO «en raison de ses origines». La magistrate a dénoncé «la rhétorique haineuse» des mis en cause, soulignant que l’objectif était de «discriminer et injurier cette chanteuse en raison de ses origines maliennes». Elle a insisté sur «le caractère raciste et discriminatoire» de la banderole déployée par les mis en cause et a demandé au tribunal d’infliger des «sanctions fortes et sévères».
Le procès des identitaires
Les accusations et les réactions des prévenus
Les prévenus présents, dont le porte-parole du groupe identitaire Les Natifs, Stanislas T., 24 ans, ont refusé de répondre aux questions du tribunal. Ils se sont contentés de lire une déclaration pour justifier leur action. «Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la question de la liberté d’expression et celle de l’indépendance du système judiciaire», a estimé le porte-parole des Natifs. Selon le militant identitaire, il s’agissait de dénoncer «un choix politique qui visait délibérément à promouvoir la dissolution de notre culture ancestrale». Leurs avocats, Mes Mathieu Sassi et Pierre-Vincent Lambert, ont demandé la relaxe de leurs clients.
Le contexte et les actions du groupuscule
Le groupuscule Les Natifs, issu de Génération identitaire (dissous en 2021), défend la théorie raciste et complotiste du «grand remplacement». Les mis en cause, âgés de 20 à 31 ans, sont poursuivis pour provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion, ou pour complicité de provocation à la haine. Le 9 mars 2024, après l’évocation de la participation de la chanteuse à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le groupuscule avait posté sur ses réseaux sociaux une photo d’une banderole à connotation raciste.
Cette photo a été vue plus de 4,5 millions de fois, a rappelé le tribunal. Tendue par une dizaine de ses membres sur l’île Saint-Louis, la banderole proclamait: «Y a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako», une référence à son tube «Djadja» et à sa ville de naissance au Mali. Le compte X des Natifs regrettait de «remplacer l’élégance française par la vulgarité, africaniser nos chansons populaires et évincer le peuple de souche au profit de l’immigration extra-européenne».
Aya Nakamura, une star mondiale
De son vrai nom Aya Danioko, Aya Nakamura, 30 ans, qui a grandi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), est la chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde. Sa performance lors de la cérémonie d’ouverture des JO le 26 juillet 2024, avec la Garde républicaine, sur le Pont des Arts à Paris, avait été l’un des moments les plus suivis de l’événement.
La défense demande la relaxe
La défense des prévenus a plaidé pour la relaxe, arguant que les actions de leurs clients étaient protégées par la liberté d’expression. Les avocats ont insisté sur le fait que les prévenus n’avaient pas l’intention de provoquer la haine ou la violence, mais plutôt de exprimer leur désaccord avec une décision politique.
Raciste et complotiste
Le groupuscule Les Natifs est connu pour ses positions extrémistes et ses actions provocatrices. Leur théorie du «grand remplacement» suggère que la population européenne est en train d’être remplacée par des populations non-européennes, une idée largement critiquée pour son caractère raciste et complotiste.
Ce procès met en lumière les tensions raciales et culturelles en France, ainsi que les défis posés par les mouvements identitaires extrémistes. Les décisions du tribunal seront cruciales pour définir les limites de la liberté d’expression et la tolérance envers les discours de haine.