La possible candidature de Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 43 ans, à la présidentielle, fait débat dans la jeunesse camerounaise. Alors que certains appellent à un nouveau mandat, d'autres estiment qu'il est temps pour le président de céder la place à une nouvelle génération.
«Un nouveau mandat de Paul Biya? Je n’y crois plus», lâche Ibrahim Baba, 29 ans, en ajustant le moteur d’une moto dans son atelier du quartier Mokolo, à Yaoundé. Ange Ngandjo, 35 ans, banquier consultant, va plus loin: «Ce serait une candidature de trop. Il a donné ce qu’il pouvait. Notre génération, formée et compétente, veut aussi construire ce pays». Pour ce trentenaire, le chef de l’État devrait faire preuve «d’élégance républicaine» et céder la place.
Les Réactions de la Jeunesse Camerounaise
À l'Université de Yaoundé II
À l’université de Yaoundé II, Célestine Mbida, étudiante en droit de 24 ans, s’apprête à voter pour la première fois. Sans être ouvertement critique vis-à-vis du président sortant, elle estime que «ce scrutin représente beaucoup (...) C’est l’avenir du pays qui se joue. Je veux y participer».
Au Sein du RDPC
Le président nonagénaire, au pouvoir depuis 1982, n’a pas officialisé sa candidature. À un mois de la date légale de dépôt des candidatures, les appels à un nouveau mandat du chef de l’État se multiplient. Mais au Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), M. Biya, président national du parti, ne fait plus l’unanimité.
Certains militants plaident pour la continuité et d’autres, comme Léon Theiller Onana, conseiller municipal RDPC de Monatélé, à 70km de Yaoundé, dénoncent l’absence de congrès depuis 2011, qu’ils jugent incompatible avec une nouvelle investiture. Le 25 mars, il a même saisi la justice à Yaoundé pour contester la «légalité et la légitimité» des instances dirigeantes du RDPC.
Les Partisans du Chef de l'État
Pour faire face aux critiques plus ou moins larvées de la jeune génération, les partisans du chef de l’État s’organisent. Dans l’Extrême-Nord, région où le taux de pauvreté avoisine 69%, un rassemblement baptisé «100'000 jeunes unis derrière Paul Biya en 2025», s’est tenu samedi à Maroua, un bastion longtemps favorable au président.
«Le président a initié plusieurs projets ayant eu un impact direct sur le développement du Grand Nord. Il mérite notre soutien. Continuer dans cette voie est essentiel», défend Mohamadou Atikou Kalda, coordonnateur de la Plateforme des Jeunes de l’Extrême-Nord pour l’Émergence. Selon les initiateurs du rassemblement, l’objectif est de faire bloc autour de Paul Biya pour «une victoire éclatante lors de la présidentielle d’octobre prochain».
Critiques et Mise en Scène
Mais sur place, certains observateurs dénoncent une mise en scène. «Les gens doivent avoir le courage de dire à Biya qu’il a échoué. Ils ont ramassé des enfants pour faire croire qu’il a encore du soutien dans l’Extrême-Nord. C’est faux, c’est de la mascarade», accuse un jeune homme dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Les Attentes de la Jeunesse
Pour Aristide Mono, docteur en sciences politiques de l’Université de Yaoundé II, les attentes de la jeunesse sont grandes. «Que l’on soit jeune, vieux, femme ou homme, les préoccupations sont les mêmes: insécurité persistante dans l’Extrême-Nord, crise (séparatiste) anglophone, chômage élevé, coût de la vie, tribalisme», explique-t-il à l’AFP.
Selon lui, «la jeunesse, comme les autres couches sociales, s’interroge sur l’après-Biya. Car un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, Paul Biya ne sera plus au pouvoir. Il faut donc anticiper et organiser l’alternance, pour éviter les crises de succession qui ont souvent débouché sur des guerres civiles».
L'Image du Pays à l'International
Cette incertitude pèse sur l’image du pays à l’international. Dans un rapport de novembre 2024, l’agence de notation américaine Fitch alerte: «L’absence de plan de succession et les divisions internes au sein du parti au pouvoir exacerbent le risque d’une transition désordonnée du pouvoir».
Avec ces enjeux cruciaux en jeu, la jeunesse camerounaise se prépare à jouer un rôle déterminant dans l'avenir politique de leur pays.