Un jeune Vénézuélien de 19 ans, Merwil Gutierrez, a été arrêté à New York en février avant d'être expulsé vers le Salvador. Depuis, sa famille est sans nouvelles de lui, plongeant ses proches dans une profonde inquiétude.
«Je ne sais pas si mon fils va bien, s’il est en bonne santé, s’il mange», souffle Wilmer Gutierrez, le père de Merwil. Cette situation n'est pas unique; près de 300 immigrés ont été expulsés des États-Unis vers le Salvador ces dernières semaines, où ils sont incarcérés dans une prison de haute sécurité connue pour ses conditions de détention particulièrement dures.
Expulsions massives sous l'administration Trump
Une campagne d'expulsion controversée
Les Gutierrez, originaires du Venezuela, ne comprennent toujours pas pourquoi Merwil a été transféré dans cette prison aménagée pour des membres de gangs. Cette expulsion fait partie d'une campagne de l'administration Trump, dénoncée en justice, qui utilise une loi de 1798 sur «les ennemis étrangers» pour arrêter des personnes soupçonnées d'appartenir à des gangs et les expulser vers le Salvador sans autre forme de procès.
Le recours à la loi de 1798 sur «les ennemis étrangers» bloqué
Des tribunaux et cours d’appel ainsi que la Cour suprême ont récemment bloqué provisoirement le recours à cette loi, jusqu'alors utilisée exclusivement en temps de guerre. Donald Trump a invoqué cette loi à la mi-mars à l’encontre du gang vénézuélien Tren de Aragua (TdA), déclaré organisation «terroriste» par Washington.
L'arrestation de Merwil Gutierrez
Selon son père, Merwil Gutierrez a été arrêté le 24 février vers 23h, à l’entrée de l’immeuble où il vivait dans le Bronx, à New York. La dernière fois que Wilmer a parlé à son fils, ce dernier était dans un centre de transit au Texas, à environ 2 500 km de New York, et venait d’apprendre qu’il serait expulsé le lendemain. Ils pensaient tous deux que ce serait vers le Venezuela.
«Mais quand nous avons découvert que les vols étaient arrivés au Salvador (...) nous n’étions plus certains du Venezuela comme destination car aucun vol n’était prévu» entre les deux pays, témoigne Wilmer Gutierrez, 40 ans et également père de deux filles.
Réactions des élus et de la communauté
À New York, les élus d’origine hispanique Alexandria Ocasio-Cortez et Adriano Espaillat se sont dits «horrifiés». Selon eux, Merwil «a été arraché à son père (...) sans respect des procédures, sans chef d’accusation et sans ordre d’expulsion d’un juge».
La situation des Vénézuéliens aux États-Unis
Comme des dizaines de milliers d’autres habitants du Venezuela, pays riche en hydrocarbures, mais miné par une profonde crise politique et économique, ils avaient traversé en 2023 la jungle du Darien, entre Colombie et Panama, pour remonter jusqu’aux États-Unis. Mais c’était avant le retour au pouvoir de Donald Trump, qui dit combattre une «invasion» de «criminels venus de l’étranger».
Accusations et défense
L'administration Trump assure que les personnes expulsées au Salvador appartiennent au TdA et que certaines ont été arrêtées, car elles portent des tatouages les liant à ce gang. Mais Wilmer Gutierrez est formel: son fils n’a «aucun tatouage» et son casier judiciaire est vierge.
Et la demande d’asile de Merwil était en cours de traitement, affirme à «l’AFP» Ana de Jesus, avocate à «Inmigracion al Dia», organisation spécialisée dans les procédures d’immigration pour les hispaniques aux États-Unis.
Recours juridique
Avec d’autres organisations, elle envisage de déposer un recours juridique pour obtenir le retour du fils. «Que ce soit possible ou non, il faut faire du bruit, maintenir la pression car il s’agit d’un enlèvement», estime-t-elle.
«S’ils (les expulsés) ont fait quoique ce soit de mal ici, qu’ils soient jugés ici ou soient renvoyés dans leur pays d’origine», reprend Wilmer Gutierrez, qui travaille de nuit dans un entrepôt de colis.
Cette situation met en lumière les défis et les injustices auxquels sont confrontés de nombreux immigrés sous l'administration Trump, soulignant la nécessité de réformes et de protections juridiques pour ces populations vulnérables.