En octobre 2024, le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a décerné la «médaille de la sécurité intérieure» à cinq policiers du Raid, pourtant mis en examen dans deux affaires graves remontant à juillet 2023. Cette décision a suscité une vive controverse, selon les révélations de Mediapart.
Les faits remontent à juillet 2023, lorsque des émeutes ont éclaté à Marseille suite à la mort de Nahel, un jeune homme tué par les forces de l'ordre après un refus d'obtempérer. Parmi les policiers déployés dans le centre-ville, Mohamed Bendriss, 27 ans, est décédé d'une crise cardiaque après avoir été touché par un tir de LBD (balle en caoutchouc dur de gros calibre) en pleine poitrine. En août 2023, trois policiers, Alexandre P., Jérémy P. et Sylvain S., ont été mis en examen pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner».
Des policiers décorés malgré des accusations graves
Tirs de bean bag et éborgnement
Le cousin de la victime, Abdelkarim Y., a perdu son œil gauche après un tir de «bean bag» (un petit sac en tissu renforcé, rempli de grains de plomb ou de petites billes métalliques). Pour ces faits, Alexandre C. et Gilles N. ont été mis en examen en novembre 2023 pour «violences volontaires ayant entraîné une mutilation définitive par personne dépositaire de l’autorité publique». Les deux policiers ayant tiré quasiment en même temps sur le jeune homme de 21 ans, l’expertise ne permet pas de savoir lequel des deux agents l’a touché au visage.
Indications graves et concordantes
La justice française estime avoir réuni des «indices graves et concordants» contre ces cinq policiers, qui restent présumés innocents en attendant leur jugement. Malgré ces accusations, ils ont reçu, en octobre 2024, une distinction créée en 2012 par Nicolas Sarkozy, qui récompense «les services particulièrement honorables» et «notamment un engagement exceptionnel».
Réactions du ministère de l'Intérieur
Le cabinet de Bruno Retailleau a refusé d'indiquer à Mediapart et «Libération» les raisons pour lesquelles ces cinq policiers avaient été décorés. «Il y a une enquête en cours», a-t-on simplement répondu du côté de la place Beauvau.
Un tir simultané
L'affaire est complexifiée par le fait que les deux policiers ayant tiré sur Abdelkarim Y. l'ont fait quasiment en même temps. L’expertise ne permet pas de déterminer lequel des deux agents l’a touché au visage, rendant la situation juridique particulièrement délicate.
Cette affaire soulève des questions sur la gestion des forces de l'ordre en France et sur la pertinence de décorer des policiers mis en examen pour des faits graves. La médaille de la sécurité intérieure, destinée à récompenser des services honorables, se retrouve au cœur d'un débat public et éthique.