Des vidéos TikTok accusent de grandes marques de luxe de produire secrètement en Chine pour contourner les taxes douanières américaines. Ces allégations, qui prétendent révéler les coulisses cachées de la fabrication de produits de luxe, ont suscité une vive réaction sur les réseaux sociaux. Cependant, derrière ces pseudo-révélations se dessine une opération bien cousue pour écouler des contrefaçons, en profitant de la confusion autour des taxes douanières.
Se présentant comme des ouvriers ou des sous-traitants du luxe, des créateurs de contenus chinois prétendent que les autorités de Pékin ont levé des clauses de confidentialité liant les sous-traitants locaux. Cette prétendue décision, dont l’AFP n’a retrouvé aucune trace, les autoriserait à révéler les coulisses cachées de la fabrication de produits de luxe en Chine. Les internautes sont ainsi incités à se fournir directement sur des sites vendant des produits similaires, mais sans logo, à des prix bien inférieurs.
Les marques de luxe et la production en Chine
Des accusations sans fondement
Des marques visées comme les françaises Hermès, Chanel ou Louis Vuitton, dont la production est localisée en Europe ou aux États-Unis selon leurs sites internet, n’ont pas souhaité répondre aux questions de l’AFP sur les affirmations de ces vidéos virales. Pour Jacques Carles, président-fondateur du «Centre du luxe et de la création», l’idée que les grandes maisons fabriqueraient en Chine est «absurde». «Ce serait un suicide. S’il y avait une preuve – et il n’y en a aucune – ce serait fini, les marques ne sont pas folles», dit-il.
Si les TikTokeurs insistent sur le savoir-faire des ouvriers chinois, présentés comme les petites mains cachées des grandes maisons de luxe, «ces ateliers de contrefaçon ne respectent absolument pas toutes les étapes de fabrication», ajoute-t-il, citant l’exemple du fameux sac Birkin d’Hermès, qui nécessite «des centaines d’heures de travail».
Une campagne virale pour écouler des stocks illégaux
Les internautes diffusant ces contenus cherchent en réalité à «ouvrir une brèche en créant le doute» pour «écouler leurs stocks» de produits illégaux, poursuit M. Carles, décrivant «une campagne virale, démultipliée sur les réseaux» et «difficile à contrer». Les marques, elles, restent silencieuses et «traitent ça par le mépris», une erreur selon lui.
L’accusation d’une production secrète en Chine de produits de luxe officiellement fabriqués en Europe «ne tient pas la route», estime lui aussi Michel Phan, professeur en marketing du luxe au sein de l’école de commerce française emlyon. Tout comme l’argument, brandi sur TikTok, d’une réplique chinoise aux mesures douanières américaines. «Cela n’a pas de sens», selon M. Phan, car «s’en prendre aux marques européennes ne pénalise en rien le gouvernement américain».
Des ventes en direct sur TikTok
Parallèlement, des ventes sont organisées en direct sur TikTok par des commerçants chinois, renvoyant vers des sites internet. Ces lives ou messages en direct peuvent cumuler des centaines de vues chacun. Des modèles de produits de luxe y sont présentés, numérotés, rangés sur des étagères. «Livraison DHL. Produits identiques à ceux en boutique. Seule différence: le prix», annonce dans l’un d’eux une voix en français générée par l’IA.
Les internautes sont invités à scanner un QR code ou à cliquer sur un lien pour finaliser leur achat via WhatsApp ou PayPal. L’AFP a repéré une vingtaine de lives similaires diffusés simultanément en anglais et en français, suggérant que les internautes européens et nord-américains constituent les principales cibles.
La Chine, premier foyer mondial de la contrefaçon
La Chine est régulièrement pointée comme le premier foyer mondial de la contrefaçon. Selon certaines estimations, 70 à 80% des produits contrefaits y sont fabriqués. L’achat de produits contrefaits est sanctionné dans les pays de l’Union européenne comme dans de nombreux pays étrangers. Selon l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la contrefaçon coûte 16 milliards d’euros par an à l’industrie européenne. Les secteurs les plus touchés sont l’habillement, les cosmétiques et les jouets.
En conclusion, les vidéos TikTok accusant les marques de luxe de produire secrètement en Chine semblent être une manœuvre pour écouler des contrefaçons. Les experts s'accordent à dire que ces allégations sont sans fondement et que les marques de luxe restent fidèles à leurs standards de qualité et de production.